Alors que des négociations ont lieu au sein du studio Spiders sur le télétravail et les augmentations annuelles 2024, la directrice opérationnelle de l’entreprise et présidente du SNJV Anne Devouassoux se permet d’exiger du STJV qu’il change de délégué syndical dans l’entreprise.
Les négociations sont en cours à Spiders depuis plusieurs mois et sont notamment ralenties par l’attitude de la direction. Le climat autour de ces dernières est très tendu. Notre délégué syndical ayant été malgré lui en arrêt maladie pendant 4 semaines, les négociations ont nécessairement été mises en pause durant ce délai mais il suffisait d’attendre son retour pour les reprendre.
Anne Devouassoux, qui souhaite revenir sur la liberté de télétravail acquise au sein du studio et propose aux travailleur·ses des augmentations « entre 0 et 3% », a adressé un courrier lunaire à notre syndicat et à notre délégué syndical. Dans celui-ci, elle tente de faire pression sur nos représentant·es pour mettre un terme à des négociations qui n’ont pourtant pas de date butoir. Ces agissements constituent de la discrimination syndicale à l’encontre de notre délégué.
Avant de tenter d’intimider un syndicat professionnel de salarié·es, démocratique et indépendant, celle-ci aurait pu s’adresser à la délégation de négociation dûment mandatée dans son entreprise par le STJV.
Anne Devouassoux prétend représenter les salarié·es et agir pour leur bien tout en menaçant dans un email de relance de mettre fin de manière unilatérale aux négociations, ce qui entraînerait l’imposition de règles massivement rejetées pas les travailleur·ses de Spiders, quoi que la direction bonimente en interne. Si les travailleur‧ses souhaitent que les négociations aboutissent, iels ne veulent pas que cela se fasse à n’importe quel prix.
En tant qu’employeuse, et présidente d’un syndicat patronal de surcroît, Anne Devouassoux ne saurait prétendre représenter et défendre les intérêts des travailleur·ses, d’autant plus qu’elle a explicitement refusé de consulter les salarié‧es de Spiders sur les négociations en cours. Celleux-ci sont représenté‧es par les élu‧es du personnel et les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
Nous lui demandons de mettre fin à ces manœuvres grossières et de respecter la représentation des salarié‧es, notre liberté syndicale et les principes d’une négociation loyale. Les injonctions et allusions faites dans ses courriers ne sont pas tolérables. Nous rappelons que la discrimination syndicale est un délit encadré par le code du travail et le code pénal.
Pour assurer le bon déroulement des négociations et leur conclusion, nous conseillons à la direction de Spiders de fournir à la délégation les informations nécessaires, d’écouter les salarié·es et d’accéder aux demandes de la section syndicale STJV.
Ces conseils sont applicables dans toutes les entreprises. Nous ne céderons jamais face aux intimidations, et apportons notre aide à tous·tes les travailleur·ses qui en sont victimes.
Depuis plusieurs mois nous déplorons un manque de sérieux particulier de la part du patronat du jeu vidéo. Ce dernier considère que le dialogue social consiste à imposer ses conditions de façon unilatérale, et à ignorer les revendications ou les droits des travailleurs et travailleuses. Il va sans dire que ce genre de position a également des conséquences sur la qualité des jeux.
Dans de très nombreux studios français, les personnes élues et représentantes syndicales ont manifesté leurs désaccords et signifié à leurs employeurs que cette situation est parfaitement inacceptable.
En outre, et malgré des mobilisations spectaculaires ayant eu lieu dans de nombreux studios partout en France, sans forcément qu’elles aient été rendues publiques, nous ne constatons aucune réaction de nos employeurs à la hauteur des enjeux.
Puisqu’il est hors de question d’arrêter de lutter pour les droits des travailleur‧ses de l’industrie, et en prévision d’un durcissement des conflits, nous pensons qu’il est nécessaire de mettre tout en œuvre pour renforcer nos moyens d’action. Et parmi ces actions nous pensons qu’il est nécessaire de réarmer économiquement le mouvement social dans notre secteur.
La caisse de grève du STJV est alimentée par une partie des cotisations des adhérent‧es, mais reste majoritairement tributaire de dons. C’est la raison pour laquelle nous venons aujourd’hui lancer un appel aux dons pour la caisse de grève du STJV.
Cet appel est lancé à destination de celles et ceux qui en ont les moyens, et qui souhaitent soutenir les luttes sociales dans notre industrie.
Ça servira à quoi ?
Ces dons seront consacrés à la caisse de grève, et exclusivement réservés dans ce but. Ils serviront à assurer un revenu à des travailleurs et travailleuses grévistes, en alimentant directement les caisses de grèves locales gérées par les travailleur‧ses.
Traditionnellement, les grévistes se réunissent pour décider collectivement et démocratiquement de la répartition des fonds disponibles, en prenant en compte les informations à leur disposition, les besoin de chacun‧e et les suites du mouvement.
Pourquoi faire un don pour notre caisse de grève ?
Si vous travaillez dans l’industrie du jeu vidéo
Dans ce cas vous comprenez sans doute déjà pour quelles raisons il est nécessaire de nous préparer. Nous vous invitons à donner si par exemple vous n’êtes pas en mesure de faire grève, parce que vos conditions de travail ne vous le permettent pas, mais que vous disposez de moyens économiques suffisants, ou si vous travaillez au contact de personnes exerçant leur métier dans la production de jeux sans que ce soit directement votre cas et que vous souhaitez leur donner de la force.
Si vous ne travaillez pas dans le secteur, mais que vous jouez à des jeux
Dans ce cas votre intérêt est également que de bonnes conditions de production soient assurées dans les studios. Des entreprises dans lesquelles la parole des travailleurs et des travailleuses n’est plus prise en compte sont également des entreprises dans lesquelles le résultat final du travail effectué a de fortes chances d’être médiocre.
La production de jeu vidéo est un travail collectif, qui exige une organisation intelligente, autant pour ne pas faire cramer sur place les gens qui y travaillent, que pour s’assurer d’arriver à un résultat correct en fin de production. Si le sujet vous intéresse, nous vous renvoyons à une vidéo de la chaîne Bolchegeek à ce sujet.
Que nous déplorions les conditions de travail dysfonctionnelles ou l’état médiocre dans lequel les jeux sortent, nous parlons du même sujet : les décisions absurdes qui contre toute logique sont prises en ignorant les avertissements de celles et ceux qui travaillent. Notre réponse à ces problèmes ne peut être que collective.
Comment donner ?
Pour participer à la caisse de grève du STJV, il vous suffit de faire un virement sur le compte du STJV dédié aux caisses de grève, dont voici les coordonnés : IBAN : FR76 1027 8060 3100 0207 2930 259 BIC : CMCIFR2A
Pour simplifier les comptes et l’identification des dons à la caisse de grève, pensez s’il vous plaît à mentionner « caisse de grève » dans le libellé de votre virement.
Comme relayé par La Voix Du Nord, le 30 juin 2023 le Tribunal judiciaire de LILLE a condamné la société ANKAMA à verser à un ex-salarié la somme de 2000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Cette procédure avait un but dissuasif suite à un témoignage dans une affaire prud’hommale. Nous nous réjouissons de cette reconnaissance de procédure abusive, une première (à notre connaissance) dans notre industrie.
À l’occasion d’une instance prud’homale engagée contre la société ANKAMA, Monsieur A., ancien employé et ancien délégué du personnel, avait produit une attestation de témoignage au bénéfice d’un ancien collègue, Monsieur B.
20 jours avant l’audience de mise en état devant le Conseil des Prud’hommes de Roubaix, Monsieur A. a été assigné par la société Ankama devant le Tribunal judiciaire de Lille pour dénigrement et faux témoignage. La société Ankama a procédé de manière analogue en mettant en demeure une autre salariée attestante de retirer son témoignage, à défaut d’envisager à son encontre des poursuites pour dénigrement.
Le Tribunal judiciaire de Lille a jugé que cette manœuvre
« apparaît n’avoir été guidée que comme un moyen de pression exercé à l’encontre de l’ex-salarié demandeur, [Monsieur B.], mais également de tout autre de ses collègues qui pourrait souhaiter attester dans le cadre d’un litige prud’homal contre cette société. ».
De plus, le jugement précise que
« Cette action s’analyse donc en une volonté délibérée de porter atteinte à l’exercice des droits de la défense et il est donc établi qu’elle a été menée avec une intention de nuire à toute personne entendant opposer une critique ou ouvrir un débat sur les pratiques managériales de cette société. »
La société a fait appel, la décision n’est donc pas encore devenue définitive.
Si vous avez été victime de pressions ou d’abus de la part de votre employeur, ou ex-employeur, n’hésitez pas à nous contacter afin d’obtenir un soutien du syndicat.
Nous avons repris dans ce communiqué certaines parties du jugement, qui sont citées et en italique. Le jugement est disponible dans son intégralité ici :
La société Ankama est particulièrement surprise du choix du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo de commenter le 4 mars 2024 un jugement rendu près d’un an auparavant, le 30 juin 2023.
L’écho tardif donné à ce jugement est d’autant plus surprenant que la décision porte sur une attestation produite en justice par un ancien salarié (ayant bénéficié d’une rupture conventionnelle en janvier 2019), et qui faisait lui-même état de faits anciens (datant pour certains de plus de dix ans), dont il doit être précisé qu’ils n’avaient conduit à aucune mise en cause de la responsabilité l’entreprise.
La société Ankama n’a jamais tenté de faire obstacle à la production de cette attestation ou de toute autre d’ailleurs devant le conseil de prud’hommes, lequel n’a au surplus retenu aucune des allégations et critiques de l’attestation.
Et la société Ankama était pareillement en droit de contester le contenu de cette attestation, ce qu’elle a fait dans le cadre d’une procédure distincte engagée devant le tribunal judiciaire de Lille, au civil (et non pas au pénal comme elle aurait pu le faire si elle avait voulu engager une procédure dans un « but dissuasif », comme le prétend à tort l’article publié sur votre site). En outre, en 23 années d’existence, c’est la première fois que la société Ankama se voit obligée de contester en justice le contenu d’une attestation produite devant un conseil de prud’hommes.
En désaccord avec la décision du 30 juin 2023, la société Ankama a saisi la Cour d’appel de Douai à laquelle il appartient désormais de trancher ce différend et de dire si l’attestation en cause a été établie dans le respect de la réglementation applicable qui exige de ne faire état que de faits exacts que l’auteur doit avoir personnellement constatés, ce qui est en l’espèce contesté.
Le 8 mars est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et minorités de genre, qui célèbre les combats, historiques et actuels, des luttes féministes. Les femmes et personnes de genres marginalisés sont et ont toujours été présentes dans les luttes sociales : le 8 mars est lui-même l’anniversaire de la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg de 1917, qui a déclenché les révolutions russes.
L’année dernière, par la force des choses, le 8 mars s’est inscrit dans le mouvement plus global contre la réforme des retraites. L’autoritarisme du gouvernement et le passage en force de cette réforme ont été une défaite sévère pour les droits des femmes et personnes de genre marginalisé : les études du gouvernement lui-même montrent que les impacts négatifs de cette réforme sont doublés pour les femmes.
Cette année, le 8 mars aura lieu dans un contexte terrible. Dans notre industrie, nous nous inquiétons gravement des conséquences des vagues de licenciements massives qui ont lieu en ce moment sur les femmes. Les postes supprimés sont majoritairement des postes précaires, occupés de manière disproportionnée par des personnes de genre marginalisé, qui vont de plus devoir subir les discriminations à l’embauche lors de leurs recherches d’emploi.
Les femmes et personnes queer sont aussi instrumentalisées depuis des mois pour justifier la politique génocidaire israélienne contre les palestinien‧nes. Nos frères et sœurs palestinien‧nes se font massacrer sous les yeux du monde entier, et on cherche à nous faire croire que les crimes israéliens sont bénéfiques. Quels bénéfices tirent les femmes et personnes queers palestinien‧nes de la famine, des maladies, de l’éradication de leur peuple, de leur propre mort ?
L’existence de systèmes coloniaux génocidaires est incompatible avec la liberté des personnes de genre marginalisé. Il n’y aura pas de libération des femmes et des personnes queer sans libération de la Palestine. Ce 8 mars sera aussi l’occasion de les soutenir.
On peut aussi noter quelques améliorations, par exemple :
De manière générale on constate qu’en France, malgré les obstacles, la parole se libère de plus en plus. On pense évidemment au milieu du cinéma, mais c’est aussi le cas dans toute la société. Le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS) s’impose enfin comme un sujet social public, au bénéfice de toutes les personnes qui les subissent. Nous saluons et soutenons ces prises de paroles.
Entreprises et écoles : inclusives dans les mots, sexistes dans les faits
Depuis l’année dernière, la bienveillance de façade des écoles et entreprises du jeu vidéo se heurte de plein fouet aux représentations du personnel. Partout, il suffit de poser des questions pour désemparer les directions et confirmer ce qu’on savait déjà : derrière les mots, il n’y a rien. Pas de suivi des violences sexistes et sexuelles, pas de dispositifs d’alertes, pas de lutte contre les discriminations…
Avant même de travailler pour résoudre les problèmes de sexisme dans l’industrie, on est déjà obligé de lutter pour faire reconnaître que ces problèmes peuvent exister. Les directions d’entreprises sont incapables et/ou refusent catégoriquement de présenter des informations concrètes sur les VSS et discriminations en entreprises, et les mesures prises pour y remédier. Incapables d’admettre leur incompétence ou sexisme, elles se transforment en robots qui débitent en boucle leurs éléments de langage.
En refusant de répondre, mais aussi en reformulant toutes les propositions et demandes des travailleur‧ses et syndicats pour en supprimer le vocabulaire concret et utile au profit d’expression managériales complètement vides de sens, les patron‧nes luttent activement pour nier l’existence de problèmes. Iels le font consciemment, pour empêcher les travailleur‧ses d’objectiver les problème et de pouvoir agir dessus.
A nos demandes d’établir des processus clairs et sans ambiguïtés pour lutter contre les VSS et les discrimination au travail, on nous répond que « les portes des directions ou des RH sont toujours ouvertes ». En balayant d’un revers de main le rôle des directions elles-mêmes et en niant la capacité d’action des représentant·es du personnel, elles isolent les victimes et singularisent les cas de violence, pour mieux les relativiser et interdire une réflexion plus globale.
Ces pratiques de renvoi devant un système oppressif (la hiérarchie d’entreprise) qui a un intérêt clair à garder les violences invisibles, loin d’être innocentes ou irréfléchies, réduisent victimes et témoins au silence. La « porte ouverte » est au mieux une impasse naïve, au pire une violence discriminatoire elle-même.
Syndicats, travailleur‧ses et représentant‧es du personnel en lutte permanente
Les travailleur·ses disposent d’outils pour lutter contre les VSS et les discriminations : il est du rôle du CSE de surveiller la probité des directions, d’offrir une réponse de terrain et concrète via ses référent·es en matière de lutte contre le harcèlement, d’alerter et de ne pas perdre de vue les indicateurs de risque. Cette instance de représentation du personnel a le pouvoir de signaler les problèmes à l’inspection et à la médecine du travail, et de déclencher des enquêtes via son droit d’alerte.
Dans les entreprises où le STJV est représentatif après une victoire aux élections CSE, les sections syndicales abordent ces sujets au sein de négociations annuelles obligatoires en matière d’égalité professionnelle (et donc d’égalité de genre). C’est un moment prévu légalement pour discuter de lutte contre les discriminations, et de négocier voire d’imposer plus par la construction d’un rapport de force en faveur des travailleur‧ses.
En bloquant les négociations sur l’égalité de genre, en les décalant sous prétexte que c’est un sujet « moins urgent », en ignorant les représentant‧es du personnel, les patron‧nes refusent de laisser les travailleur‧ses s’exprimer ou d’écouter leurs demandes. Iels préfèrent « constater l’absence » de harcèlement, de violences ou de discriminations et prétendre que tout va bien.
L’ignorance volontaire n’est pas une politique de lutte contre les discriminations, mais une extrême violence supplémentaire. Ces blocages envoient comme message aux victimes de VSS que les violences et discriminations qu’iels subissent ne comptent pas et ne seront pas réglés sur leur lieu de travail.
Détruire les obstacles en place
Les demandes des travailleur‧ses de l’industrie du jeu vidéo sont simples, et il est presque hallucinant de devoir les faire en premier lieu :
les directions d’entreprises doivent réellement écouter les travailleur‧ses, et donc prendre au sérieux les remontées de leurs représentant‧es et respecter les négociations ;
il faut mettre en place des processus concrets de récolte de données et d’informations, pour pouvoir les fournir ensuite aux représentant‧es du personnel ;
ce deuxième point doit s’accompagner de la mise à disposition publique des statistiques et données non-personnelles, et en particulier de la mise en place de grilles de salaires ;
pour empêcher la réduction au silence des travailleur‧ses, il faut créer de réels processus de remontées, alertes et enquêtes internes qui incluent les instances de représentation du personnel.
En bref et pour être clair‧es : nous exigeons des directeur‧ices d’entreprise qu’iels arrêtent de se soucier des genres marginalisés uniquement pour s’en servir de marchepied pour l’image de leur entreprise, pour leur carrière personnelle ou pour maximiser les profits.
En conséquence, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo appelle à la grève dans le jeu vidéo le vendredi 8 mars 2024. Nous appelons travailleur·ses, chômeur·ses, retraité·es et étudiant·es du jeu vidéo à se mobiliser dans les entreprises et à rejoindre les manifestations qui auront lieu partout en France ce jour-là.
Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, distribution, services et/ou création pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le domaine d’activité de sa société (jeux, consoles, mobile, serious games, VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, streaming, produits dérivés, esport, création de contenu en ligne, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec le jeu vidéo. Puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler.
Les heures et jours de grève ne sont pas rémunérés. Cela limite le nombre de personnes qui peuvent se mobiliser sur les mouvements de grève et, pour celleux qui le peuvent, cela peut vite représenter un coût financier important.
Pour limiter ces problèmes et permettre aux travailleur‧ses de se mobiliser largement, on fait appel à la solidarité et au collectif en créant des caisses de grèves, des fonds qui sont reversés aux grévistes qui en ont le plus besoin.
Comment donner ?
Le fonds de grève du STJV est constituée en partie d’argent issue des cotisations des adhérent‧es, mais reste majoritairement tributaire de dons.
Une partie des cotisations est attribuée par défaut au fonds de grève. En plus de cela, les dons et les surplus éventuels des caisses de grève ponctuelles sont reversés dans le fonds de grève. Celui-ci sert donc à alimenter et compléter les caisses de grève des différents mouvements sociaux menés par nos adhérent‧es.
Régulièrement tout au long des mouvements de grève, le STJV recensera les grévistes en interne et dans les entreprises où le syndicat a des sections syndicales, afin d’évaluer les besoin d’indemnisation, et récupérer les informations nécessaires pour faire ces indemnisations.
Après chaque recensement, les grévistes déclaré‧es sont invité à décider collectivement et démocratiquement de la répartition des fonds disponibles, en prenant en compte les informations à leur disposition, les besoin de chacun‧e et les suites du mouvement.
Le studio Don’t Nod est connu pour ses jeux narratifs abordant des sujets d’inclusion et de diversité. Son site officiel va même plus loin et affirme « qu’au cœur de tout ce que nous faisons, […] nous pren[ons] soin les uns des autres », et que ceci « constitue le thème central de nos valeurs ». Malheureusement, comme c’est souvent le cas dans l’industrie du jeu vidéo, ces valeurs si souvent mises en avant dans la communication des entreprises comme dans la presse, ne sont pas mises en pratique.
Le 31 mai 2022, Don’t Nod a profité de l’annonce de sa nouvelle identité visuelle pour teaser six potentielles nouvelles productions en cours de développement, dont 4 lignes de production internes et 2 externes. Un peu plus d’un an après, le 19 octobre 2023, Don’t Nod va plus loin et annonce lors de la présentation de son « H1 2023 », marquer « une activité en hausse de 10,3%, un bilan record (60M€ cash net de dettes), et un pipeline de 8 jeux en production ».
Nous sonnons l’alerte sur la situation des employé·es de Don’t Nod.
Le STJV s’inquiète que l’entreprise ne soit pas capable de gérer ces multiples productions parallèles :
les délais changent très fréquemment
les informations et les instructions données aux équipes sont contradictoires
les salarié·es sont déplacé·es d’une équipe à une autre sans avoir de vision à long terme sur les projets
une réorganisation éprouvante, qui a mis plus d’un an à se mettre en place, laisse des équipes entières sur le carreau.
Dans un studio où les productions s’enchaînent dans un chaos ambiant, le temps et la vision à long terme nécessaires à la qualité de vie viennent à disparaître, entraînant davantage de stress parmi les employé·es et provoquant des situations de boreout/burnout, nous plaçant tous·tes dans l’attente de décisions prises par la direction. Le STJV s’inquiète des risques psycho-sociaux qui guettent les travailleur·euses du studio, à la vue du nombre conséquent de situations de mal-être et d’arrêts de travail qui nous sont remontés.
Des sorties tumultueuses
Le 31 octobre dernier est sorti le jeu Jusant. Succès critique, il n’a visiblement pas satisfait les attentes commerciales de la direction de l’entreprise puisqu’elle a purement et simplement supprimé sa ligne de production et dispersé son équipe dans divers autres projets. Cette décision soudaine n’a fait l’objet d’aucune justification malgré l’insistance du CSE. Les développeur·euses de Jusant ont été laissé·es dans un flou absolu quant à leur avenir, pour beaucoup sans aucun travail à réaliser, pendant plus de 2 mois.
Banishers, initialement prévu pour le 7 novembre, a tardivement été reporté au 13 février, ce qui a suscité de vives questions en interne, puisque les travailleur·euses ne l’ont appris que 30 minutes avant l’annonce publique.
Ce report s’inscrit dans une période où le marché international de l’emploi dans le secteur du jeu vidéo est en crise, avec des annonces de licenciements massifs, en particulier au sein des studios ayant été en recherche d’investissements pendant les dernières années, comme Don’t Nod.
Toutes les équipes sont sous-staffées, pourtant on ne garde pas les personnes en CDD, stage ou alternance. Iels sont parfois rappelé·es pour faire face aux urgences de production, mais toujours en contrats précaires. Cette situation attaque dangereusement la santé des travailleur·euses et impose une pression énorme aux équipes qui peinent de plus en plus à respecter les deadlines.
La section syndicale muselée
La direction refuse tout moyen de communication directe entre notre section STJV et les salarié·es. Elle est même revenue sur les maigres droits accordés par le passé lorsque la section n’était pas encore représentative. Nous avons pourtant remporté l’élection du CSE 2023 haut la main, rendant le STJV largement représentatif ; cela aurait donc dû amener à plus de communication. Concrètement, la direction considère qu’un panneau d’affichage dans les locaux (obligation légale) est suffisant pour informer 300 salarié·es… dont plus de 75% sont en télétravail complet.
Depuis l’automne dernier, nous tentons d’obtenir l’organisation des Négociations Annuelles Obligatoires qui nous sont dues. Le dialogue est impossible, et toutes les excuses sont bonnes (y compris prétendre ne pas comprendre des emails) pour faire capoter les NAO ou nous forcer la main.
La réunion de cadrage qui a eu lieu le 16 janvier 2024 n’a pas respecté la procédure décrite dans le Code du Travail, et nous n’avons pas eu l’occasion de discuter ne serait-ce que les thèmes à aborder lors des NAO ni le calendrier. Par-dessus le marché, on nous refuse tout moyen en temps, en documents, en canaux d’information pour préparer correctement les négociations. En l’espèce, il ne s’agit absolument pas de négociations « loyales et sérieuses ».
Le CSE empêché
Ces problèmes et situations préoccupantes ont été observées et signalées en interne auprès du nouveau CSE, élu en Juin 2023 sous étiquette STJV.
Cependant, le CSE lui-même est en grande difficulté, à cause de la direction de Don’t Nod, et constate :
la disparition progressive de différents espaces d’échange entre les travailleurs·euses et avec la direction
de nombreuses entraves et obstructions à l’exercice de leur mandat CSE
des travailleur·euses en souffrance menant à des arrêts maladie et des départs
l’absence de moyen légaux pour informer les salarié·es sur leurs droits, mais aussi de la situation de leurs collègues dans d’autres pôles ou projets.
La direction répond à ceci en faisant l’autruche et en maltraitant les élu·es CSE ; elle n’accepte pas de devoir ne serait-ce qu’informer le CSE des sujets qui le concernent, et refuse devoir rendre des comptes. En l’état, le « dialogue social » est inexistant.
À ces difficultés d’exercice pour le CSE, s’ajoutent plusieurs mois de témoignages inquiétants de la part de nombreux·ses salarié·es, faisant échos à l’enquête sur la qualité de vie au travail réalisée en 2023.
Dissonances et entêtements
En Septembre 2023, la direction a présenté les résultats de son enquête Qualité de Vie au Travail à laquelle les deux tiers des salarié·es ont répondu. Il est à noter que celle-ci ne comportait en réalité presque aucun point portant explicitement sur la qualité de vie et les conditions de travail.
Elle présente toutefois un panorama de divers sujets et les employé·es peuvent ainsi apprendre que :
28% déclarent ne pas avoir de reconnaissance pour leur travail
30% décourageraient leurs connaissances de postuler à Don’t Nod
39% estiment qu’il y a une trop grande charge de travail (ou des équipes trop petites)
50% désapprouvent la stratégie d’entreprise suivie par la direction
Lors de la restitution, quelques 6 mois plus tard, la direction n’a pas tari d’éloges envers le studio (et donc elle-même) lorsque les chiffres étaient bons. Cependant : les notes ont été moyennées, ce qui ne permet pas d’observer les résultats par pôles ou équipes, cachant ainsi de potentielles disparités de perception, voire des alertes. Confrontée aux chiffres, la direction a préféré orienter les résultats pour ne parler que de qui pouvait être interprété comme positif.
Au regard des résultats, le CSE a questionné la direction sur les mesures envisagées afin de résoudre les problèmes apparents : plutôt que de proposer de réelles solutions, l’entreprise préfère expliquer à ses salarié·es qu’iels n’ont simplement pas bien compris ses ambitions et qu’elle doit mieux s’expliquer dans ses communications internes. À quand un numéro vert pour nous expliquer la pensée complexe de Don’t Nod ?
Nous notons par ailleurs que 90% des personnes ayant répondu à l’enquête rapportent apprécier leurs collègues et travailler avec elleux. La source des problèmes est donc systémique, d’ordre structurel.
Don’t Nod, but Do Better
Le STJV est soucieux de l’avenir du studio, de ses productions, des conditions de travail, et constate l’absence de dialogue social.
Parce que Don’t Nod est l’une des rares entreprises à proposer du télétravail à temps plein, qu’elle a pu proposer des contrats à durée indéterminée et qu’elle défend une ligne éditoriale plus progressiste que ses concurrents, nous exhortons la direction de l’entreprise à prendre des mesures concrètes pour résoudre l’ensemble des problèmes relevés dans ce communiqué, à écouter les préoccupations légitimes de ses salarié·es et de sa section syndicale, pour que les valeurs de l’entreprise atteignent la hauteur de ses ambitions.
Ces dernières semaines avaient lieu les Négociations Annuelles Obligatoires portant sur les salaires dans plusieurs entités d’Ubisoft en France, et le STJV était bien évidemment présent. Malgré les efforts concertés des organisations syndicales pour trouver un compromis acceptable, les négociations se sont heurtées à un mur. Prétextant une politique de réduction des coûts purement arbitraire, la direction nous a proposé un budget d’augmentations inférieur à l’inflation, pour la seconde année de suite.
Un système de récompenses bien mal équilibré
Comment corréler ce mépris avec les exhortations de notre PDG à « gagner en agilité et en efficacité » ? Comment pourrions-nous accepter un niveau d’augmentations si bas quand l’entreprise se vante d’un second trimestre « bien au-delà de [nos] attentes », tout en voulant « rendre hommage à l’engagement exceptionnel des équipes » ? Ce système de récompenses nous semble bien mal équilibré.
Réduction de notre niveau de vie : pas un bug, mais une feature
La conclusion s’impose : la réduction de notre niveau de vie, pour les dirigeants d’Ubisoft, ce n’est pas un bug, c’est une feature. Qu’une entreprise qui continue à faire des bénéfices, malgré une direction multi-déficiente, décide de faire payer les employé-es pour augmenter ses profits est tout simplement inacceptable. C’est pourquoi nous invitons en commun avec les autres organisations syndicales de lutte présentes chez Ubisoft à une grève, toute la journée du mercredi 14 février, pour toutes les entités françaises appartenant au groupe Ubisoft.
Le 20 décembre dernier, l’Assemblée Nationale a voté une loi dite « immigration ». Fruit d’un compromis entre Renaissance, les Républicains et le Rassemblement National, son adoption marque un tournant dans l’attitude du gouvernement et du « centre » : alors qu’iels faisaient jusqu’ici semblant de faire barrage à l’extrême-droite, iels adoptent maintenant ouvertement ses idées racistes et s’allient avec elle sans honte.
L’extrême-droite française s’est félicitée de l’adoption de cette loi, que d’autres partis fascistes d’Europe saluent et souhaitent imiter. Et on comprend vite pourquoi : elle intègre directement des piliers idéologiques racistes de l’extrême droite comme la préférence nationale.
La cible de cette loi raciste n’est un secret pour personne : en s’attaquant aux aides sociales, au droit du sol et au regroupement familial, elle vise particulièrement les travailleur‧ses étranger‧es pauvres, majoritairement racisé‧es. La promesse du gouvernement de s’attaquer en 2024 à l’Aide Médicale d’État, dont l’immonde projet de suppression avait été vivement dénoncé, le confirme. Le volet répressif, par l’introduction d’un délit de séjour irrégulier, va permettre à la police de se déchaîner encore plus sur ces populations en les arrêtant abusivement, au moindre « soupçon ».
Le programme de cette loi est celui de l’extrême-droite : la violence. Celle de l’état, qu’elle s’exerce via les services sociaux (ou en l’occurrence leur inaccessibilité), la justice ou la police. Elle annonce le futur, avec un gouvernement qui continuera à exercer toujours plus de violence envers les étranger‧es, mais aussi envers les personnes ayant la nationalité françaises. Car ses attaques sur les acquis sociaux, la liberté, l’enseignement et la recherche s’étendront à tout le monde.
Le STJV est fermement opposé à cette loi et à toute restrictions des droits et des acquis sociaux, peu importe à qui elles s’appliquent. Nous défendons le droit pour toute personne, sans restriction, de pouvoir s’installer où elle le souhaite et d’y vivre dignement, dans la paix. Nous appelons tou‧tes les travailleur‧ses à rejoindre les actions s’opposant à cette loi, et en particulier les mobilisations des dimanche 14 et 21 janvier.
Le mois dernier, nous avons publié notre baromètre 2022 sur les travailleur‧ses du jeu vidéo. Les chiffres bruts disent déjà beaucoup sur notre industrie, mais il est aussi nécessaire de les analyser et de regarder de plus près ce qu’ils révèlent politiquement. Et ce n’est pas très beau à voir.
L’obstacle des études et de l’entrée dans l’industrie
Avec un coût moyen de 25 000 € par étudiant‧e passant par un‧e école privée, les études de jeu vidéo sont indéniablement chères.
Plus d’un tiers de ces étudiant‧es ont recours à un prêt bancaire pour financer leurs études, ce qui signifie qu’iels sont endetté‧es avant même le début de leur vie active. Iels mettent plusieurs années à rembourser ces prêts, durant lesquelles une large partie de leurs revenus y est alloué.
Pourtant, après leurs études une portion importante des travailleur‧ses ne trouve pas de travail tout de suite. Une personne sur 6 met plus d’un an à trouver un emploi, durée pendant laquelle iels vivent la boule au ventre, dans la peur de le première échéance de remboursement de leur prêt.
Et avoir un travail n’est pas une libération, car les travailleur‧ses finissent majoritairement avec un statut précaire après leurs études. Seulement un quart d’entre elleux ont un emploi stable, les autres doivent encore et toujours vivre dans la crainte de finir sans emploi à court terme.
Tout semble fait pour empêcher les travailleur‧ses de rentrer dans l’industrie. Ce système favorise ainsi la reproduction sociale, c’est-à-dire que seules les personnes issues de milieux aisés peuvent y rentrer. On a donc une homogénéité sociale dans l’industrie. Les efforts du patronat pour faire semblant de lutter contre n’y changeront rien, car au contraire cela les avantage, en asservissant économiquement les nouvelles‧aux entrant‧es dans l’industrie.
L’impossibilité de faire carrière
Après une entré‧e très précaire dans l’industrie, les peines des travailleur‧ses ne sont pas finies : les carrières longues sont rares dans le jeu vidéo.
Notre baromètre montre que 61% des travailleur‧ses ont moins de 5 ans d’expérience, et que 85% d’entre eux, soit l’écrasante majorité, moins de 10 ans d’expérience. Pourtant, l’industrie du jeu vidéo française existe depuis les années 80, et a donc plus de 30 ans d’existence.
De plus, près de 84% des travailleur‧ses ont moins de 5 ans d’ancienneté dans leur entreprise actuelle, il semble donc impossible de faire carrière dans une même entreprise. Et quand on regarde les données salariales de notre enquête, difficile de ne pas constater, outre quelques cas particulier, que l’évolution salariale est relativement normale jusqu’à 5 d’expérience dans l’industrie, mais stagne après.
La pression, les mauvaises conditions de travail, les bas salaires, les discriminations, les horaires qui empêchent la vie de famille, et de nombreuses autres raisons systémiques poussent les travailleur‧ses à changer de métier ou d’industrie après quelques années.
Les travailleur‧ses quittent l’industrie car iels n’y ont pas d’avenir.
Et le patronat ne vois pas d’intérêt à changer la situation : les entreprises cherchent sciemment à maintenir leurs coûts de production le plus bas possible en exploitant volontairement des personnes jeunes, en sortie d’études.
La réalité factuelle du crunch
Le crunch, des périodes de travail intenses où les directions d’entreprises demandent ou incitent les travailleur‧ses à travailler au delà de ce que leur santé peut supporter, est quasi toujours nié par le patronat. Anne Devouassoux, présidente du SNJV, principal lobby patronal du secteur, déclarait au magazine Têtu en mai dernier que « Le crunch n’existe pas dans l’univers professionnel actuel. ».
Notre enquête montre pourtant que c’est une pratique très présente, avec près d’un quart des travailleur‧ses déclarant en avoir subi dans la dernière année. L’approche annuelle que nous avons choisi objective la récurrence du crunch, mais masque qu’une production peut durer plusieurs années. Nous estimons donc que la proportion de jeux sortis en ayant eu recours au crunch est plus élevée encore.
On voit aussi que les travailleur‧ses plus âgé‧es déclarent subir plus de crunch, ce qui laisse penser que, grâce à leur expérience, iels arrivent mieux à l’identifier. Ce chiffre est donc sûrement très sous-estimé.
Pour défendre sa classe, la présidente du SNJV poursuivait dans le même article en expliquant « [qu’i]l existe des heures supplémentaires travaillées, sur la base du volontariat. Celles-ci sont rémunérées et encadrées par la loi »
Les faits lui donnent une nouvelle fois tort, puisque plus de la moitié des travailleur‧ses ne sont pas payé·es pour leurs périodes de crunch. On rappellera d’ailleurs que le versement de primes pour payer des heures supplémentaires est illégal et constitue du travail dissimulé si elles ne sont pas inscrites sur les bulletins de salaires.
En concentrant une grande quantité de travail dans peu de temps, le crunch vise à palier l’absence d’investissement dans la gestion des productions de jeu vidéo et les problèmes causés par la structuration dictatoriale des entreprises. Il constitue un mode de management à part entière. Les dégâts que le crunch cause à la santé des travailleur‧ses sont le résultat de choix politiques conscients.
La non-reconnaissance des études et des compétences
Notre baromètre a permis d’objectiver un fait bien connu dans l’industrie : l’inadéquation entre le niveau d’étude et le statut en entreprise.
On constate qu’environ 90% des travailleur‧ses du jeu vidéo ont niveau d’étude correspondant au moins à un Bac+3, et même que plus de 60% d’entre elleux ont un diplôme de niveau Bac+5.
Les formations spécialisées courtes (Bac+2 ou moins) sont extrêmement rares, et les entreprises demandent systématiquement un niveau d’études élevé lors des recrutements.
Dans le même temps, plus de 40% des travailleur‧ses du jeu vidéo sont au statut ETAM.
Or, ce statut est normalement prévu pour les postes nécessitant des niveaux de formation allant du BEP au BTS. Dans la convention collective Syntec, qui couvre la majorité de l’industrie, c’est même encore plus clair : tous les postes nécessitant un niveau d’études supérieur à Bac+2 sont réputés relever du statut cadre. En ce sens, nous considérons que tous les métiers du jeu vidéo relèvent du statut cadre, puisqu’ils requièrent des formations longues, de l’autonomie et des connaissances théoriques étendues.
Les entreprises refusent pourtant de passer les salarié‧es sous ce statut, et pour des raisons faciles à identifier :
Les salaires minimaux sont plus élevés chez les cadres que chez les ETAM, et ils évoluent de manière plus favorable pour les travailleur‧ses. Très souvent, les salaires minimaux des cadres sous Syntec sont supérieurs aux salaires minimaux pratiqués par les entreprises du jeu vidéo. C’est particulièrement vrai dans les départements conceptions (game & level design, etc.) et art (animation, concept art, etc.).
Les cotisations sont plus basses pour les ETAM que pour les cadres. Couplé aux salaires plus faibles, cela permet aux entreprises d’économiser sur leurs cotisations patronales, au détriment des services publics et de la solidarité nationale.
En plus de nous refuser d’être mieux payé‧es et d’avoir accès à de meilleurs services publics et une meilleure retraite, les entreprise refusent aussi de reconnaître nos compétences et notre travail en forçant les travailleur‧ses à travailler avec les grades les plus bas possibles.
Conclusions générales
Via ces points analysés, mais aussi grâce aux autres données du baromètre, on arrive à un constat navrant : à partir des études et tout au long de la carrière, tout semble fait pour que les travailleur‧ses aient envie de quitter l’industrie du jeu vidéo. Pour la majorité d’entre elleux, celle-ci ne leur offre pas d’avenir, pas d’horizon vers lequel se tourner.
À force de soutien juridique, d’enquêtes, de mandats syndicaux et CSE, une vérité se confirme de plus en plus : les directions d’entreprises et les groupes n’ont aucune stratégie ou réflexion à long terme. L’industrie est organisée pour que les patron‧nes s’en mettent plein les poches, avec un mépris total pour les travailleur‧ses, leurs carrières, leurs emplois, les jeux qu’iels produisent et leur capacité à s’exprimer.
Une industrie où les les travailleur‧ses n’ont pas d’avenir n’a pas d’avenir non plus. Puisque nos patron‧nes s’en moquent, et puisque la majorité d’entre nous a toujours envie de faire des jeux vidéos, la solution qui s’offre aux travailleur‧ses est de prendre en main l’avenir de l’industrie du jeu vidéo elleux-même.
Revendications des travailleur‧euses
Dans notre baromètre, nous avons demandé aux travailleur‧ses leurs revendications :
Sans surprise, celles-ci portent d’abord sur le temps et les conditions de travail, en particulier les salaires, le télétravail et la semaine de 4 jours. Mais nombreux‧ses sont celleux à réclamer aussi une meilleur formation au long de la carrière, une meilleure gestion des projets, une meilleure transparence, la prise en compte de leur avis…
Les travailleur‧ses savent très bien identifier les problèmes causées par leurs entreprises et comment les résoudre, et il est temps de les laisser le faire à la place de leurs hiérarchies.
Il y a quelques semaines, le studio toulousain Umeshu Lovers publiait son jeu Danghost. Depuis plusieurs mois, nous avons accompagné des ancien·nes employé·es de ce studio qui se sont tourné·es vers le STJV pour obtenir de l’aide face à des situations que notre syndicat juge inacceptables.
À ce jour, trois plaintes ont été déposées entre les mains du Procureur de la République, à l’encontre de l’entreprise et de l’un de ses dirigeants, notamment des chefs de harcèlements moral et sexuel.
Le conseil de prud’hommes a également été saisi de deux affaires relatives à l’exécution et à la rupture de contrats de travail, portant, entre autres, sur les mêmes griefs que les plaintes pénales. Le STJV va intervenir volontairement dans ces procédures pour défendre l’intérêt collectif de la profession.
Nous espérons que ces actions juridiques permettront de rendre justice aux victimes et de mettre fin aux agissements poursuivis.
Dans toutes les entreprises du jeu vidéo, le STJV défend et défendra tou‧tes les travailleur·ses, syndiqué·es ou non. Nous pouvons mener ce genre d’actions grâce aux cotisations de nos camarades et au travail bénévole de notre commission Soutien et Accompagnement Juridique.
Mise à jour 04/11/2023 : A ce jour, aucune poursuite pénale n’a encore été engagée par le procureur de la république.