Le STJV rejoint l’appel des Tui contre les suppressions d’emploi

L’épidémie de Covid-19 qui touche de manière disproportionnée les plus précaires, les pauvres et, de manière générale, toutes les minorités, n’est pas la seul menace à laquelle nous devons faire face. Dans tout le pays, des travailleurs et travailleuses doivent faire face à un raz-de-marée de plans de licenciement et de suppressions d’emplois, y compris dans le secteur de la santé, les hôpitaux et services publics, dont nous dépendons pour sauver des vies dans la lutte contre l’épidémie !

657 plans de licenciements ont été comptabilisés entre le 1er Mars et le 22 Novembre 2020, auxquels s’ajoutent les plans de départs « volontaires », les ruptures conventionnées collectives, les départs en retraite anticipée, … En tout, près de 100 000 emplois vont être supprimés sur la seule année 2020, malgré les aides versées par l’état, malgré les chiffres d’affaires extraordinaires, et alors que les profits d’un grand nombre d’actionnaires ne cessent d’augmenter. Et ce n’est pas fini, le risque qu’une forte crise économique vienne empirer la situation étant très élevé.

Le jeu vidéo, malgré les ventes records de cette année et en dépit des informations sur la santé économique du secteur colportées par nombre de patrons du secteur dans les media, est lui aussi touché. Le cas le plus visible est la volonté de fermeture de Blizzard France à Versailles, mais il n’est pas le seul et notre syndicat accompagne actuellement des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo dans leur lutte contre la suppressions de leur emploi. Nous craignons également que les conséquences de la crise sanitaire sur les productions de jeux entraînent à terme une augmentation significative des suppressions d’emplois dans le secteur.

Pour ne pas lutter chacun·e de notre côté dans nos entreprises, pour rendre visible la catastrophe sociale en cours, pour exprimer notre refus de ces suppressions d’emplois, et parce qu’unis les travailleurs et travailleuses sont plus fort·es, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo se joint à l’appel des Tui.

Le STJV sera donc présent dans la rue le Samedi 23 Janvier, pour une grande manifestation nationale contre les licenciements et suppressions d’emplois. Plus d’informations, comme des points de rendez-vous pour pouvoir venir défiler avec notre syndicat, seront publiés avant la manifestation.

Retrouvez l’appel des Tui ici :

Et les deux communiqués en version .pdf là :

Ici l’attestation pour pouvoir manifester :

L’année du STJV – 2020

L’année 2020 n’a pas franchement été réjouissante. Entre la pandémie de Covid-19 qui perdure et le durcissement autoritaire et sécuritaire du pouvoir (en France et dans le monde), qui menace les minorités et les organisations qui les défendent (dont les syndicats font partie), 2021 a de quoi préoccuper.

C’est pourquoi il nous paraît important de regarder factuellement ce qui a été accompli cette année, pour pouvoir constater que 2020 n’est pas une année perdue, et trouver dans nos luttes du réconfort et l’énergie de continuer.

Nous allons donc présenter, sans ordre particulier, les actions du STJV durant cette dernière année.

Le STJV en France

Crée principalement à Paris en 2017, le STJV est maintenant implanté partout en France et comptabilise fin 2020 de nombreuses assemblées locales : Île-de-France, Montpellier, Lyon, Annecy, Bordeaux et Lille.

Ces assemblées, qui regroupent localement des travailleurs et travailleuses pour échanger et s’organiser, se sont créées et fonctionnent malgré un contexte très difficile en raison du Covid-19. Nos camarades ont maintenu des liens locaux en s’adaptant, notamment via l’organisation de rencontres par internet.

La présence du STJV s’affirme également de plus en plus en dehors des concentrations habituelles d’entreprises de jeu vidéo, dans les plus petites villes et même en milieu rural. Si vous êtes concerné et que vous hésitiez à nous rejoindre, sachez que nous ne sommes pas parisiano-centré !

Le STJV en entreprise

Depuis que le syndicat a fêté ses 2 ans fin 2019, le STJV a la possibilité de créer des sections syndicales en entreprise.

Après les sections d’Ankama, de Dontnod Entertainment et d’Amplitude Studios qui n’attendaient que la possibilité légale d’exister pour se créer fin 2019, 3 nouvelles sections ont été créées en 2020, toutes dans le groupe Ubisoft :

  • Ubisoft Paris (Montreuil)
  • Ubisoft Montpellier
  • Ubisoft Annecy

Cette présence officielle permet d’être mieux connu des employé·es, de communiquer plus facilement en entreprise, et de pouvoir soutenir plus rapidement et plus efficacement les travailleurs et travailleuses en cas de problème. Elles servent de base à l’organisation des luttes sur place.

Une liste des sections syndicales STJV et leurs informations de contact est disponible sur notre site ici.

Mobilisations sociales

À partir de Décembre 2019 et durant l’année 2020, le STJV s’est officiellement impliqué pour la première fois dans des mouvements sociaux à l’échelle nationale :

  • dans le mouvement contre la réforme des retraites en appelant à la grève dans le jeu vidéo, en informant les travailleurs et travailleuses du secteur, en organisant des cortèges de manifestations dans plusieurs villes de France qui ont réuni plus de 100 personnes à la fois, et en participant aux caisses de grève ;
  • pour la journée de grève et de manifestation du 17 Septembre, afin de lutter contre la politique économique et sanitaire désastreuse du gouvernement, en appelant à la grève et en organisant des cortèges également ;
  • en participant à des réunions et organisations intersyndicales en vue d’organiser des actions nationales.

Le syndicat a également été impliqué, via ses représentant·es, dans des discussions et négociations ayant pour but de développer de la solidarité internationale dans le jeu vidéo, notamment via le processus de restructuration de Game Workers Unite! qui est toujours en cours.

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Journée internationale du droit des femmes et des minorités de genre

Souhaitant développer le combat du syndicat contre le sexisme et les discriminations dans l’industrie du jeu vidéo, qui a eu beaucoup d’écho ces dernières années avec des vagues de témoignages sur le harcèlement, les agressions et de manière générale les conditions de travail terribles subies par les femmes, les personnes LGBT, racisées, handicapées, … des adhérent·es du STJV ont organisé différentes actions autour de la journée du 8 Mars.

D’abord en participant aux manifestations, avec un cortège syndical officiel et en produisant du matériel de manifestation spécifique, notamment une banderole.

Mais aussi en organisant une journée de conférences féministes et LGBT sur l’industrie du jeu vidéo et le medium jeu vidéo, en invitant plusieurs organisations du jeu vidéo et des intervenant·es de toute la France. Ces conférences auraient dû avoir lieu fin Mars n’ont malheureusement pas pu se tenir à cause du confinement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Ce n’est que partie remise, et quand les conditions sanitaires le permettront l’organisation de cette journée reprendra.

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Présence médiatique et interventions publiques

Pour remplir son rôle, le STJV doit être visible publiquement et porter la parole des travailleurs et travailleuses. A ce titre nous sommes devenu un interlocuteur de premier plan lorsque le jeu vidéo est traité sous le prisme du travail ; sujet de plus en plus présent dans les media, spécialisés ou non, depuis quelques années.

Nos membres ont répondu à un grand nombre de sollicitations pour différents médias (presse, web…), en particulier durant la lutte contre le projet de réforme des retraites, et autour des questions de harcèlement dans l’industrie. Des adhérent·es du STJV ont aussi pu donner des conférences sur la lutte syndicale et les conditions de travail dans le jeu vidéo durant divers événements et streams, pour apporter une voix contradictoire à celle du patronat, souvent seul représenté.

Notre présence dans les entreprises et les CSE, la création des sections et des assemblées locales permet au syndicat d’avoir des représentant·es et interlocuteur·ices disponibles, pertinent·es et au plus près des problèmes, pour porter la voix de salarié·es que l’on n’entendrait pas sinon.

Nous essayons également de proposer des réflexions sur des sujets plus ou moins d’actualité, mais qui relèvent toujours du travail, afin d’apporter une vue et analyse de l’intérieur. La parole des personnes développant les jeux vidéo est quasi systématiquement inaudible, masquée par celles des patron·nes, des directeur·ices créatif·ves, parfois même des joueur·euses, et donc fantasmée. C’est dans cette optique que nous avons publié cette année Naughty Dog, les « leaks », et ce que tout cela dit de notre industrie ou encore Discriminations dans l’industrie du jeu vidéo : problèmes systémiques, solutions collectives.

Enfin, une chaîne Twitch et une chaîne Youtube ont été créée pour le STJV, et un coup d’essai de stream syndical a été lancé pour le 1er Mai confiné. Une partie du replay de ce live est disponible sur notre chaîne Youtube. Il se passera certainement plus de choses de ce côté-là dans le futur, le syndicat souhaitant plus utiliser ces canaux de communication, ainsi qu’augmenter sa représentation auprès des streamers et streameuses, que nous considérons comme des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo, puisque faisant partie intégrante de la chaîne de production de valeur des jeux vidéo.

Accueil et suivi juridique

La majeure partie de notre travail syndical reste cependant invisible du grand public, et consiste à répondre aux questions et problèmes des travailleurs et travailleuses. Cela tourne souvent autour de points de droit du travail, convention collective (SYNTEC en particulier), conflit avec l’employeur ; avec cette année de nombreuses questions autour du confinement (et surtout, du déconfinement imposé par les entreprises) et du télétravail.
Il comprend également une part très importante de soutien moral.

Nous tenons à rappeler que le STJV est accessible, dans le respect de l’anonymat des personnes qui nous contactent, à . Nous avons échangé au cours de l’année des centaines de mails dans ce cadre là et traité des dizaines de demandes.

Il arrive malheureusement que la situation d’une personne nécessite d’aller plus loin que le simple conseil. Pour cela, le STJV est en capacité d’accompagner dans des procédures judiciaires et peut également prendre en charge les frais lorsque nécessaire. C’est en grande partie ce à quoi servent les cotisations des adhérent·es. À la date de publication, le STJV gère une dizaine de dossiers à divers stades de gravité.

Sur le plan juridique, nous avons accompagné 2 personnes jusqu’à une saisine des Prud’hommes et le syndicat est également engagé en intervention volontaire dans 16 dossiers auprès des Prud’hommes. Nous avons pris en charge plus de 3000€ de frais d’avocat pour que des personnes en difficulté puissent bénéficier de consultations, conseils et procédures.

Enfin, nous nous félicitons d’avoir pu résoudre 3 situations graves sans avoir besoin de recourir au procès, obtenant immédiatement satisfaction sur toutes les réclamations des victimes.

Du coté des études

Parce que les problèmes récurrents de l’industrie se retrouvent dès les formations en jeu vidéo, en y étant parfois explicitement enseignés, mais aussi parce qu’elles comportent leur lot de problèmes spécifiques, le STJV a beaucoup développé cette année ses activités concernant les étudiant·es, via un commission spécifique créée en 2019.

Des membres du syndicat ont donné des conférences dans un certain nombre d’écoles (ENJMIN, Rubika, Télécom SudParis, Université Paul Valéry …) et nous en prévoyons d’autres dans le futur, certaines d’entre elles étant devenues des interventions annuelles.

Ces présentations sur les bases du droit du travail et la réalité de l’industrie sont l’occasion de donner aux étudiant·es des clefs pour comprendre l’industrie dans laquelle iels souhaitent s’engager et ses problèmes, pour pouvoir identifier ce qui n’est pas normal en entreprise, en stage et à l’école, et pour pouvoir se défendre et faire valoir leurs droits une fois en poste.

C’est également une fierté que nos présentations soient plébiscitées par les étudiant·es, qui reconnaissent presque à chaque fois manquer cruellement d’une vision de l’industrie venant des travailleurs et travailleuses, capable d’en être très critique et contrastant fortement avec celle du management et du patronat, déjà présent dans beaucoup de formations.

Suite à des témoignages préoccupants, nous avions aussi lancé en début d’année un appel à témoignages autour des études et formations, à destination des étudiant·es et enseignant·es. Les réponses, toujours ouvertes, ont été nombreuses et nous avons malheureusement été pris de court entre leur quantité et l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 qui a surchargé le syndicat de travail. Le travail sur ces témoignages n’est pas cependant pas abandonné et a pu reprendre dans les derniers mois, nous espérons pouvoir en donner des nouvelles prochainement.

Toujours déterminé·es !

Et voilà, on a fait le bilan (calmement) pour 2020 !

Merci à vous d’avoir lu ce post jusqu’au bout et merci à nos adhérent·es, aux personnes qui fournissent un travail colossal pour le syndicat, à nos soutiens extérieurs, et à toutes celles et ceux qui luttent à travers le monde pour plus de justice et de liberté.

On se revoit en 2021 encore plus fort·es et déterminé·es et, qui-sait, en vous comptant parmi nos camarades ?

Protégeons-nous nous-même : appel à la grève dans le jeu vidéo du 10 Novembre au 1er Décembre 2020

La deuxième vague de la pandémie de Covid-19 est bien là, et nous en sommes maintenant à un stade pire qu’au moment du confinement de Mars dernier. Malgré un manque de moyens important, les hôpitaux se préparent au pire et ont déjà commencé à réorganiser leurs départements pour faire face à l’afflux de personnes en réanimation et à l’augmentation du nombre de morts. La première vague a fait plus de 30 000 morts en France (en ne comptant que les morts directes) et, si on continue tel quel, la deuxième en fera bien plus.

Le gouvernement a mis en place un reconfinement qui n’en a en fait que le nom. Des exceptions de toute part, toujours pas de mesures contraignantes sur les entreprises, des protocoles sanitaires timides et facultatifs : le principe même de confinement est sacrifié au nom de l’économie et, avec lui, toutes les personnes qui mourront après avoir été contaminées au travail, dans les transports, via l’exposition de leurs enfants à l’école, etc.

En conséquence, certaines entreprises continuent de refuser le télétravail, y compris dans notre industrie pourtant tout à fait capable de surmonter ce défi. Pour quelle raison ? La sempiternelle peur de la perte de productivité, et en filigrane celle de la perte de contrôle sur les salarié·es, qui ont pourtant prouvé à la sueur de leur front pendant la première vague que les productions de jeux vidéo pouvaient continuer malgré la situation.

Les arguments économiques ne peuvent pas passer avant la sécurité des personne : on ne peut pas accepter que des personnes meurent et que d’autres souffrent de handicaps encore méconnus causés par le Covid-19, tout cela pour pouvoir respecter des dates de sortie de jeux vidéo, ou pour pouvoir rentrer dans des budgets déjà trop serrés. Les consoliers eux-mêmes ont pris en compte la gravité de la situation et ont autorisé le déplacement des kits de développement pour permettre le télétravail : il n’y a plus d’excuses possibles. Les jeux vidéos ne sont pas des marchandises essentielles, il est inconcevable de prendre des risques pour leur création.

Pour nous protéger, pour protéger nos proches, pour aider l’hôpital public et les centres de tests en diminuant autant que possible l’exposition de chacun, il faut que nous arrêtions de prendre les transports en commun, que nous arrêtions d’aller sur nos lieux de travail, et que nous ayons le temps de nous occuper de nos enfants qui continuent de s’exposer à l’école, un des plus importants lieux de contamination. Face aux manquements (conscients) du gouvernement pour contrer la deuxième vague de l’épidémie, nous devons toutes et tous prendre les choses en main nous-même.

Il y a plusieurs moyens d’atteindre ces buts : le télétravail avec fourniture de matériel et indemnisation des frais engendrés pour les travailleurs et travailleuses, le chômage partiel quand le télétravail n’est réellement pas possible et, en dernier recours, la grève.

La grève est le seul outil qu’il nous reste pour pouvoir rester chez nous légalement, sans démarche et dès le début de la période couverte par un appel à la grève, malgré les refus de nos employeurs. Elle est l’ultime recours des personnes confrontés au choix immonde de prendre le risque de s’exposer et d’exposer les autres à un virus mortel ou de perdre leur emploi.

C’est pourquoi le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo publie cet appel à la grève, avec pour revendication la disponibilité du télétravail sans condition pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses du jeu vidéo ou, le cas échéant, la mise en place immédiate d’un dispositif de chômage partiel permettant aux personnes de ne pas mettre le pied dans les locaux de l’entreprise. Cet appel est valable du 10 Novembre au 1er Décembre 2020 inclus.

Cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, de distribution, de service et/ou de création de jeu vidéo ou matériel pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le type de production de sa société (jeux consoles, PC, mobile, serious games, expériences VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, consoles de jeu, streaming, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec la production vidéoludique. Pour toutes ces personnes, et puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler les jours où vous souhaitez faire grève.

En cas de doute, de questions, etc. contactez-nous à ou par message sur Twitter, nous sommes disponibles pour vous aider, vous soutenir et répondre à vos questions, que vous soyez syndiqué·es ou non.

Cet appel est disponible en fichier .pdf ici :

Importants licenciements chez Blizzard France

Alors que le groupe Activision-Blizzard a enregistré un chiffre d’affaires de 3,6 milliards de dollars sur les six premiers mois de 2020, dont 913 millions en provenance directe des jeux Blizzard, celui-ci a annoncé un nouveau plan de licenciements ayant pour but de fermer ses bureaux de Versailles et liquider son activité en France, sans aucun motif économique.

Ce plan de licenciement intervient alors même qu’Activision-Blizzard avait nié à plusieurs reprises, suite à des licenciements en 2019, vouloir fermer sa branche française. Nombre de salarié·es risquent de se retrouver sans emploi dans un contexte économique, social et sanitaire particulièrement précaire, et cela même alors qu’ils et elles ont continué à travailler d’arrache-pied pendant le confinement et par la suite.

Comme l’indiquent les syndicats CGT, SPECIS-UNSA et CFE-CGC représentatifs sur place, sous l’allégation de préservation de compétitivité se cache en réalité une volonté d’optimisation fiscale, qui ne tient aucun compte des considérables enjeux humains.

Solidaires Informatique et le STJV affirment leur opposition catégorique à tout licenciement, quel que soit le motif invoqué.

Nous apportons tout notre soutien aux travailleuses et travailleurs de Blizzard France et aux actions qu’iels décideront de mener contre ces licenciements abusifs.

L’appel à la grève publié par les syndicats de Blizzard France le 13 Octobre est disponible ici :

Appel à la grève dans le jeu vidéo pour le 17 septembre 2020

L’épidémie de Covid-19 qui nous touche depuis février, et les mesures nécessaires pour la contenir comme le confinement, ont imposé une période d’accalmie dans les luttes sociales. Mais le gouvernement ne s’est pas calmé dans sa volonté de détruire les protections sociales qui nous protègent toutes et tous.

Au contraire, l’épidémie sert d’excuse à attaquer le Code du Travail, ouvrant la porte à l’aggravation des conditions de travail de toute la population et précarisant encore plus les travailleureuses. Notre industrie étant prompte à faire usage de contrats précaires, les travailleureuses du jeu vidéo risquent d’être touché de plein fouet.

De plus, aucune mesure n’a été engagée par l’état pour restreindre les parts allouées aux actionnaires dans les entreprises, pour sécuriser la trésorerie des entreprises et les forcer à investir directement dans l’économie. Malgré la crise sanitaire et économique, les versements de dividendes n’ont pas montré signe de ralentissement. Cela risque fortement de se traduire par des licenciements de masse dans de nombreux secteurs.

Il ne faut pas se faire d’illusions : le jeu vidéo, dont les ventes ont connu un rebond au début du confinement, n’est pas à l’abri. Les cycles de production et de financement de notre industrie peuvent temporiser les retombées de la crise mais, à terme, ne les éviteront pas.

À tout cela s’ajoutent des aides d’état, via des subventions et un « plan de relance » récemment dévoilé, qui vont massivement venir financer des entreprises en ignorant les travailleureuses sans emploi et/ou sans contrats.

Pour ne pas faire face à la crise seul·es, nous devons nous serrer les coudes et nous mobiliser, entre travailleureuses de notre industrie mais aussi avec celleux de tous les autres secteurs.

Le STJV rejoint donc les organisations syndicales appelant à la grève le 17 septembre, et appelle les travailleureuses, chômeureuses, étudiant·es du jeu vidéo à se mobiliser dans leurs entreprises, dans les assemblées générales et les manifestations qui auront lieu partout en France, pour demander :

  • Une augmentation des salaires et des minima sociaux
  • Un renforcement des moyens pour la fonction publique et dans les entreprises publiques, en particulier les hôpitaux et les services sociaux
  • L’extension et le renforcement de la sécurité sociale et du système de retraites
  • L’arrêt des privatisations
  • La réduction du temps de travail
  • La sécurité pour toutes et tous au travail
  • La fin de l’utilisation des contrats précaires et la régularisation des travailleureuses précaires et sans papiers

Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, de distribution, de service et/ou de création de jeu vidéo ou matériel pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le type de production de sa société (jeux consoles, PC, mobile, serious games, expériences VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, consoles de jeu, streaming, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec la production vidéoludique. Pour toutes ces personnes, et puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler les jours où vous souhaitez faire grève.

Déconfinement : restons vigilant·es

Avec la fin de la période de vacances estivales, la rentrée scolaire tendue et les dernières annonces du gouvernement, nous souhaitons rappeler des principes de sécurité que les entreprises du secteur devraient appliquer, et réaffirmer notre soutien aux travailleureuses du jeu vidéo face à l’épidémie. Si vous rencontrez des difficultés ou avez le sentiment que votre entreprise ne prend pas la situation au sérieux et/ou vous met en danger, n’hésitez pas à nous contacter.

Plutôt que faire de la redite, nous constatons d’abord que, dans l’ensemble, les remarques que nous avions faites au moment du déconfinement s’appliquent toujours : le retour au bureau augmente très significativement l’exposition aux risques de contamination et ne doit donc pas être décidé unilatéralement, sur un coup de tête ou sans bonne raison.

Nous avons pleinement conscience du fait que le télétravail n’est pas forcément une bonne solution pour tout le monde. Si les tâches à accomplir ou les circonstances personnelles l’exigent, et que les mesures de sécurité nécessaires sont mises en place pour protéger la santé de toutes et tous, travailler sur place peut tout-à-fait être envisagé.

Rappelons au passage que, depuis le 1er septembre, le port du masque est obligatoire au travail et que les masques sont à la charge de l’entreprise, comme tout équipement de protection individuelle. En plus de cela, les gestes barrières doivent être respectés : lavage des mains, nettoyage des surfaces de travail et aération des locaux, notamment.

Ainsi, le STJV reste attaché aux garanties suivantes pour l’organisation du travail de cette rentrée :

  • Les entreprises doivent toujours donner le choix aux salarié·es entre télétravail et présence au bureau. La présence au bureau ne doit s’imposer que si elle correspond à une volonté commune, ou à un besoin réel et avéré.
  • Conformément à la loi (article 4323-95 du Code du travail), les employé·es qui reviennent au bureau doivent se voir fournir gratuitement par l’entreprise au moins 2 masques par jour de présence, un masque grand public ne devant pas être porté plus de 4 heures. Ces masques doivent être aux normes (document recensant les types de masques et normes associées), et à minima respecter les spécifications AFNOR (AFNOR Spec S76-001) et/ou le cahier des charges de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) pour les masques en tissu. Dans le cas où l’entreprise fournit des masques en tissu, leur nettoyage est à la charge de l’entreprise. Plus d’informations disponibles sur cette page du ministère de l’économie.
  • Les entreprises doivent porter une attention particulière au nettoyage des locaux, notamment les salles de réunion et cafétérias, mais aussi les bureaux eux-mêmes. Si les bureaux ne sont pas suffisamment nettoyé, les travailleureuses ont alors un motif raisonnable de penser qu’il y a un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé et peuvent donc alerter leur employeur. Dans un tel cas, si aucune solution n’est apporté alors les travailleureuses peuvent exercer leur droit de retrait.
  • Les locaux doivent être adaptés à la situation par des marquages au sol, la fourniture de gel hydroalcooliques aux endroits stratégiques (les entrées et sorties, à côté des machines à café, etc.), l’adaptation du travail pour éviter les réunions, et toute autre mesure qui permet de limiter les déplacements des personnes et leur contact prolongé.
  • Si possible les horaires doivent être assouplis, pour permettre par exemple d’éviter les heures de pointes dans les transports en commun.

Tout comme nous le soulignions en juin, il s’agit d’une question de santé publique, pas juste d’une prise de risque individuelle. En faisant revenir des personnes au bureau, on augmente le risque d’infection pour les travailleureuses et toute personne qui croise leur chemin ou qui partage leur vie.

Le STJV renouvelle donc son appel à la prudence, et offre toujours son assistance à celles et ceux qui auraient besoin de conseils ou d’écoute.

Discriminations dans l’industrie du jeu vidéo : problèmes systémiques, solutions collectives

Les vagues de témoignages sur le harcèlement, le sexisme, les LGBTphobies et autres formes de discrimination dans notre industrie se suivent et, même si leur ampleur grandit, elles se ressemblent. Quelques personnes élèvent la voix en risquant carrière, revenu et santé. Cela libère la parole pour de nombreuses autres personnes. Des prédateurs particulièrement nocifs deviennent la représentation publique du problème. Leurs entreprises réagissent en étouffant l’affaire et/ou en les licenciant (quand iels ne démissionnent pas) sans remettre en cause ou changer leur fonctionnement interne. On constate l’absence de conséquences pour les studios et personnes en cause, en particulier au niveau juridique.

Des oppressions multiples

À l’évidence, des mécanismes de protection des prédateurs sont en place dans le jeu vidéo comme dans d’autres secteurs, menant à l’impunité des personnes situées aux postes élevés dans la hiérarchie. À l’inverse, l’épuisement en grande quantité des personnes les plus jeunes et les plus précaires, considérées comme dispensables, contribue à leur vulnérabilité et à l’impossibilité de se défendre en cas d’agression.

La faible proportion de femmes dans les studios (14% en moyenne), la culture du crunch et du secret, ainsi que le chantage à l’emploi (« Tu as de la chance de faire ce boulot, il y a 10 personnes prêtes à te remplacer ») contribuent à réprimer les possibilités d’action des salarié·es face au sexisme. En plus d’être intrinsèquement intolérables, ces éléments accentuent la gravité des violences faites aux femmes et aux minorités. Dans une société où les rôles sont malheureusement encore genrés et où de nombreuses responsabilités de la vie quotidienne reposent encore sur les femmes, ces pratiques de l’industrie mettent une pression disproportionnée sur celles-ci, contribuant d’autant plus à les réduire au silence. Les enjeux sont souvent plus forts, et donc les risques plus grands, pour les personnes qui ne sont pas des hommes.

Une culture néfaste fondée sur des aspects structurels

Nous pensons que l’industrie française du jeu vidéo est similaire aux autres, et nous sommes sûr·es que l’organisation de celle-ci ne facilite pas l’expression des victimes de harcèlements et d’agressions sexuelles. Au STJV nous recevons régulièrement des plaintes et témoignages, par mail ou en direct, sur les conditions de travail et la vie en entreprise de manière générale, et sur le sexisme et le harcèlement sexuel en particulier. Pourtant, il est extrêmement rare que des affaires soient rendues publiques. Cette omerta est en partie causée par la concentration de la parole et du pouvoir dans les organisations patronales du jeu vidéo.

On retrouve par exemple les mêmes acteurs, des organisations patronales, derrière tous les grands événements de l’industrie du jeu vidéo en France : le SNJV avec le Gamecamp et les Pégases, Capital Games avec IndieCade Europe et Game Connection Europe, le SELL avec la Paris Games Week, etc. Ces espaces de rencontre et d’expression des personnes travaillant dans les jeux vidéo sont ainsi fortement encadrés par des organisations dont la priorité ne semble pas être de contraindre les employeurs à résoudre les problèmes de harcèlement dans les plus brefs délais.

L’importance de ces lieux de rencontres, et avec eux tous les espaces informels locaux, dans les carrières des personnes travaillant dans le jeu vidéo, en font des lieux rarement sûrs, dans lesquels les prédateurs sont libres de jouer de leur pouvoir et leurs relations.

Les soirées d’entreprise, qui ressortent régulièrement dans les témoignages, les rencontres dans des bars, ainsi que les soirées autour des conférences, ne sont pas des espaces à part où des comportements particuliers ressortent, mais une lentille grossissante d’une réalité quotidienne de l’entreprise et de l’industrie en général. Lentille d’autant plus convexe que les travailleureuses sous pression, fatigué·es par une charge de travail mal gérée, utilisent ces moments pour décompresser dans une ambiance festive propice à les rendre encore plus vulnérables.

Ces comportements correspondent d’ailleurs presque trait pour trait aux pratiques qui nous sont remontées sur le fonctionnement des écoles de jeu vidéo françaises. Comment s’attendre, dès lors, à un changement quelconque si les formations elles-mêmes enseignent aux étudiants que le crunch est normal, que les soirées sont un défouloir, et que les agissements sexistes resteront impunis ?

S’ils peuvent avoir des particularités, les studios de jeu vidéo ne sont pas des environnements à part, seuls à connaître le sexisme et autres discriminations. Le problème est le même que dans le reste de la société et il doit être combattu à tous les niveaux.

Faute d’alternative disponible, la dénonciation publique comme dernier ressort

Les témoignages récents mettent particulièrement en lumière au mieux la passivité des départements RH, au pire leur complicité dans la couverture des agresseurs. Présentés comme des interlocuteurs privilégiés, ces départements se retrouvent à agir contre les victimes. Il est pourtant absurde que de tels signalement n’aient pas donné lieu à des réactions efficaces et immédiates. Nous tenons à rappeler à ce sujet que l’employeur a l’obligation légale de résultat de protection de ses employé·es. Il doit tout mettre en œuvre pour les protéger, par exemple du harcèlement, et le faire cesser dès que celui-ci se produit.

Ces situations sont rendues d’autant plus difficiles que les procédures visant à porter plainte pour harcèlement ou agression sexuelle sont extrêmement lourdes (plaintes refusées, procédures judiciaires qui n’aboutissent que très rarement). À ce contexte s’ajoute celui de la diminution globale des moyens et financements accordés aux institutions de défense des salarié·es. C’est alors une tâche difficilement surmontable que d’obtenir gain de cause face à des entreprises qui, elles, disposent des moyens nécessaires à assurer leur défense.

Comment alors s’étonner de voir que, sans autre recours possible, des victimes se tournent vers les réseaux sociaux pour appeler publiquement à l’aide sous forme de dénonciations publiques ?

Gestion de la communication plutôt que résolution des problèmes

De manière générale, l’absence historique d’organisations de défense des salarié·es du jeu vidéo a permis aux entreprises de ne pas remplir leurs obligations, aggravant l’isolement et la précarité des victimes. Des initiatives récentes, comme le STJV, ont pour but de changer cette situation.

Les studios défendent leur image avant tout, auprès des consommateurs et financeurs mais aussi pour ne pas briser l’idée extrêmement répandue (et extrêmement fausse) de notre industrie comme étant un milieu jeune, abolissant les hiérarchies et créant un climat sain et bienveillant. Réagir et reconnaître le sexisme au travail, ce serait briser cette image idyllique, très travaillée par les lobbies patronaux depuis des années. Reconnaître qu’il y a un problème de sexisme dans son entreprise, c’est reconnaître sa propre responsabilité, et mettre à mal des personnes aux statuts les plus confortables dans le studio. Un obstacle que peu de dirigeant·es souhaitent franchir.

Si de trop rares efforts ont été consentis, la situation stagne. De plus en plus d’employé·es s’expriment et sont conscient·es des problèmes, mais tant que l’organisation ne change pas, on ne peut espérer de véritable évolution. La plupart des dirigeants ne veulent pas remettre en cause les manières de fonctionner de leurs studios pour des raisons financières et de management, et parce que cela mettrait souvent en cause leurs propres réactions et attitudes face au problème. Seuls quelques studios indépendants arrivent à sortir du lot, mais cela est dû selon nous à leur petite taille, qui fait qu’un nombre réduit de personnes concernées ou conscientes des problèmes peut suffire pour changer les choses.

Quelles solutions ?

Nous croyons, plus que jamais, que la solution à ces problèmes ne viendra pas seulement de réactions de la hiérarchie. Puisque les changements nécessaires vont à l’encontre des intérêts économiques et des structures de subordination des entreprises, on ne peut les laisser décider seules des solutions à apporter.

Le recours à des sociétés privées externes, dont les missions et les objectifs sont fixés par l’employeur et dont les conclusions ne sont pas contraignantes, ne saurait être considéré comme une porte de sortie favorable. Les solutions doivent venir des travailleureuses et être supervisées par des structures indépendantes, notamment les syndicats qui, par leur nature, sont bien placés pour permettre aux personnes concernées de s’organiser et de décider sans pression de leur hiérarchie.

Les témoignages sont explicites : les liens de subordination constituent un frein majeur à toute possibilité de faire état de situation de harcèlement physique ou moral au sein des studios. Ce constat renforce notre détermination à poursuivre la constitution de sections syndicales fortes, véritables contre-pouvoirs qui permettent de pousser les directions à agir. Les sections donnent lieu à des échanges qui ne sont pas soumis aux liens de subordination, et qui permettent de faire émerger plus facilement les problèmes concrets qui se posent aux travailleurs et aux travailleuses et de trouver des réponses efficaces aux côtés des élus du CSE.

Nous invitons les directions de studios à regarder les choses en face : jusqu’à présent, les trop rares mesures prises n’ont pas porté leurs fruits. Si elles aspirent réellement à changer les mentalités, il convient tout d’abord de ne pas « gérer » ces révélations comme des crises de communication mais plutôt de réfléchir, en concertation avec l’ensemble des travailleuses et travailleurs, aux méthodologies de traitements des témoignages, ainsi qu’au moyen de prévenir de tels faits. Sans la remise en cause des liens de subordination dans les échanges entre travailleureuses, sans la participation des salarié·es aux processus de réflexion, les directions ne pourront regagner leur confiance.

L’unité des travailleurs et des travailleuses est indispensable pour parvenir à obtenir une résolution de ces problèmes. Les mécaniques de domination présentes dans les entreprises sont intimement liées à l’organisation du travail. Nous organiser et nous mobiliser est donc essentiel pour disposer des moyens matériels de nous protéger durablement contre les effets structurels qui nous sont néfastes.

Le STJV met ses ressources à disposition des travailleuses et travailleurs qui en feront la demande, syndiqué·es ou non, pour bénéficier d’écoute et de conseil. Si la situation l’exige, nos moyens sont également mis en œuvre pour encadrer et appuyer les actions juridiques.

Déconfinement : les retours forcés au bureau sont irresponsables

Collègues, camarades,

Avec les dernières annonces du gouvernement s’ouvre une période d’incertitudes pour beaucoup d’entre nous. En l’absence de prise de position forte, le cadre légal n’impose désormais plus beaucoup de contraintes. Cela appelle forcément à la réflexion et il serait imprudent de s’engouffrer dans la brèche ainsi créée sans prendre les précautions nécessaires.

Le STJV a été mis au courant de plusieurs situations où des employeurs ont décidé unilatéralement de faire revenir les travailleur·ses dans les bureaux, certains depuis plusieurs semaines, d’autres retours étant prévus à partir de la semaine prochaine, sans respecter le consentement des employé·es. Ailleurs, le retour n’a pas été forcé mais des pressions sont mises sur les salarié·es pour les pousser à revenir travailler dans les locaux. Cela nous semble non seulement dangereux, mais aussi irresponsable. Ainsi que nous le disions déjà au début de la crise, il s’agit non seulement de la protection des individus mais aussi d’une responsabilité collective qu’il ne faudrait pas prendre à la légère. Plus que jamais, les entreprises ne devraient pas se contenter du minimum légal.

En effet, bien que le virus semble moins présent, le risque existe toujours. Il est d’autant plus grand que chacun d’entre nous est mobile et s’expose à des contacts, comme le montraient ces simulations du Washington Post à la mi-mars. Et, bien que l’état des connaissances scientifiques ne permette toujours pas d’avoir des certitudes absolues, il semble clair que certains facteurs contribuent de manière prépondérante aux risques encourus, non seulement par les travailleur·ses, mais aussi par nos entourages et les personnes que nous pouvons croiser dans nos quotidiens : la proximité entre les personnes, les volumes restreints (menant à une contamination par aérosols), et une durée de « contact » étendue. Ce ne sont pas uniquement les travailleur·ses exposé·es inutilement qui sont mis·es en danger, mais la société dans son ensemble.

Pour la majeure partie d’entre nous, nous utilisons les transports en commun pour rejoindre nos lieux de travail : ceux-ci présentent au moins deux des facteurs de risque suscités (proximité et volume réduit). Quant aux lieux de travail, même s’ils sont spacieux (et ce « luxe » est déjà loin d’être la norme !), la durée de présence des travailleur·ses sur place augmente fortement les risques de contamination, et ce d’autant plus avec les climatisations qui brassent l’air et donc augmentent l’effet de la promiscuité au travail, ainsi que le confirment des infectiologues.

Mais parlons justement de nos conditions de travail. La question centrale de ce retour « à la normale » que certain·es semblent appeler de leurs vœux est économique. Nous voyons les mots « efficacité », « rendement », « productivité » être employés, mais évidemment sans qu’aucun élément concret ne soit avancé pour les justifier. Disons les choses clairement : s’il s’agit d’un calcul financier, qu’il soit au moins assumé et présenté honnêtement, plutôt que de se cacher derrière la seule excuse éculée (et fausse) du « suivi de recommandations gouvernementales ». Les entreprises sont capables d’agir de manière autonome et nous le montrent bien toutes les fois où elles choisissent d’enfreindre le code du travail et les conventions collectives dont elles dépendent : elles peuvent donc bien prendre leur responsabilité sans que le gouvernement ne les tienne en laisse.

Il n’est pas du tout garanti que ce retour forcé (ou « fortement incité ») soit justifié économiquement et, quand bien même il le serait, il ne serait pour autant ni justifié humainement, ni responsable pour la société et la santé publique. Nos métiers sont plutôt faciles à exercer en télétravail, et la majorité des retours que nous avons obtenus nous laissent penser que si la mise en place a pu être délicate (ce qui s’entend), aujourd’hui les infrastructures nécessaires sont là.

Si ces décisions ne sont pas motivées par des raisons financières pourquoi donc ce manque de responsabilité ? Pourquoi cet empressement à vouloir faire revenir des travailleur·ses dans des bureaux où il ne serait pas étrange de se sentir mal à l’aise, ce qui pourrait même réduire « l’efficacité » des équipes ? Si la seule raison est une volonté de contrôle, de réaffirmer le pouvoir hiérarchique de nos patrons, n’est-il pas temps de grandir et de faire confiance aux travailleur·ses qui, dans leur immense majorité, ont produit tous les efforts nécessaires pour faire avancer les productions, même dans des conditions difficiles ?

Nous demandons aux employeur·ses de prendre leurs responsabilités envers la société qui vont avec le pouvoir qu’ils et elles ont et n’agissent pas en méprisant la santé et il ne devrait pas être nécessaire de le rappeler : de la vie, de leurs employé·es, de leurs proches et plus généralement de toute la société. Nous demandons à ce qu’aucun retour en entreprise ne soit forcé et que les travailleur·ses puissent choisir leurs modalités de travail en fonction de leurs conditions personnelles.

Le STJV encourage tou·tes nos camarades et collègues à la prudence, non seulement pour leur santé, mais aussi pour celle de tou·tes nos semblables. Nous vous encourageons à vous rapprocher de vos représentant·es du personnel et à demander à vos supérieur·es hiérarchiques de ne pas appliquer ces retours en entreprise. Nous sommes joignables dans la limite de nos moyens pour tout renseignement et conseil.


@stjv_fr

Naughty Dog, les « leaks », et ce que tout cela dit de notre industrie

Comme tout le monde le sait désormais, une personne a récemment fait fuiter les cinématiques du très attendu The Last of Us part II. Il ne nous semble pas vital d’épiloguer sur les réactions à ce sujet, d’autres le font déjà très bien (voire trop). Néanmoins, c’est aussi l’occasion de s’élever un peu de cette seule situation et de parler de ce qui se joue vraiment ici : l’obsession de l’industrie du jeu vidéo pour le secret et l’investissement émotionnel des développeur·ses dans leur travail.

Commençons par le commencement : il ne s’agit pas de dédouaner la personne en question. Une bonne partie de la discussion autour de cet événement s’est reposée sur la question de savoir s’il s’agissait d’un acte de revanche envers le studio Naughty Dog (qui, rappelons-le quand même, est une entreprise bien connue pour infliger des périodes de crunch assez brutales à ses employé·es), et cela mène à des réactions assez ambivalentes, comme celles-ci : https://twitter.com/jasonschreier/status/1254832952057434113

À nouveau, le but ici n’est pas d’excuser une action dont nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants, mais de se rappeler que les travailleur·ses peuvent « craquer » comme tout le monde, et que faire la « police de la bienséance » quand on n’est pas directement impliqué est d’assez mauvais goût.

Mais du coup, pourquoi tout ce bruit et cette fureur autour de l’événement ? Bien sûr, les spoilers (divulgâchis pour les plus tatillon·nes d’entre nous) peuvent gêner certain·es, mais cette « culture » du spoiler est aussi et avant tout un outil marketing (sur-)utilisé par les industries du divertissement (l’exemple le plus marquant de ces dernières années étant ce trailer entièrement basé dessus, mais on peut également penser à toutes les discussions autour de séries à succès… Ou encore à la vague de spoilers à la sortie de Star Wars 7).

Et soyons réalistes : les spoilers existent, ont toujours existé, et existeront toujours, à moins de nous connecter à la Matrice pour assurer une sortie simultanée en prise directe. Des « cutscenes movies » des jeux sont sur YouTube dès la sortie (souvent, donc, en avance de la sortie si elle n’est pas coordonnée dans le monde), voire avant le plus souvent (quand des vendeurs se trompent de date ou par d’autres biais, par exemple). Et ce sans aborder encore le sujet des fuites organisées sciemment, pour rester hors du domaine de la spéculation.

Pourquoi, donc, faire tout ce foin autour des spoilers ? Et pourquoi, plus largement, notre industrie a-t-elle une telle obsession pour le secret ? On peut bien sûr se dire qu’il s’agit d’une tactique pour s’assurer que des informations négatives ne sortent pas avant que les ventes soient réalisées, comme en témoigne le changement d’attitude des gros studios et éditeurs envers les journalistes (raréfaction des previews, publication des tests interdits avant la sortie du jeu dans certains cas). Mais avec l’étalement toujours plus prononcé des rentrées d’argent dans le temps, cet argument déjà bancal est-il encore valable ?

Bien sûr, les informations disponibles publiquement modifient la première impression des joueur·ses , et peuvent aller à l’encontre de l’intention des créateur·ices, raison principale avancée par les travailleur·ses du jeu vidéo pour contrôler ces informations. Mais ce contrôle de l’information est aussi un moyen pour les entreprises de contrôler plus fortement les travailleur·ses du domaine.

En effet, derrière l’excuse très vue, et bien pratique, du « pensez à vos collègues », il y a l’injonction de ne pas parler des projets sur lesquels nous travaillons. Ce silence forcé nous impose d’attendre la bonne volonté de nos employeurs , de nos patrons, de nos éditeurs, des équipes marketing pour parler en notre nom, à notre place, des jeux que NOUS développons, sous menace de sanctions, licenciements, poursuites judiciaires ou autres. C’est une forme majeure de contrôle sur les travailleur·ses du milieu, qui se retrouvent ainsi privé·es de toute influence sur la perception de leur travail (du « produit »), ou contraint·es de s’exposer à des risques indus. Il ne s’agit pas forcément ici de remettre en cause l’idée de contrôler l’information mais bien de questionner QUI contrôle cette information, et de se demander pourquoi ce contrôle est si étendu et omniprésent. Il est absurde et odieux de ne même pas avoir le droit de parler de notre travail à nos proches et à nos collègues. Nous ne sommes pas des agents secrets !

De même, les appels à respecter la « passion » des développeur·ses, même s’ils sont le plus souvent bien intentionnés, semblent ignorer que cette même passion (indiscutable) est très (trop) souvent une source d’aliénation, en ce qu’elle est utilisée pour justifier des conditions de travail dégradées et des salaires faibles. Personne ne souhaite que disparaisse cette passion, mais il faut être lucide et y reconnaître un instrument utilisé par les structures dirigeantes de l’industrie. À ce titre il faut savoir, en tant que travailleur·ses, s’en détacher pour nous protéger, et retrouver la notion qu’un spoiler, si gênant puisse-t-il être, reste un désagrément mineur par rapport à la qualité du produit final ou le sens qu’il peut apporter au public.

Que les travailleur·ses d’un studio soient affecté·es par ce genre d’événement ne nous étonne pas. Dans les jeux que nous fabriquons, que nous reste-t-il à part l’attachement émotionnel puisque que nous n’en retirons ni la gloire – l’industrie ne mettant en avant que des « auteurs », des dirigeants et des directeurs créatifs – ni l’argent ?

Nous comprenons la douleur associée à une perte de contrôle sur cette seule chose qui nous reste : la fierté d’avoir produit quelque chose que des gens vont apprécier. Mais cela doit surtout nous montrer que le gros du problème est que cette passion est exploitée par nos entreprises. Elle permet en effet d’effacer les rapports de production et hiérarchiques qui existent dans des organisations capitalistes et de maintenir le mythe que dans de telles organisations les jeux peuvent être des œuvres collectives à part égales.

Certes, la passion nous aide à lutter contre l’aliénation de notre travail mais, si on est investi·e émotionnellement dans ce qu’on fait, il est alors normal qu’on soit aussi investi·es démocratiquement dans les prises de décisions qui y sont liées et, surtout, qu’on puisse en tirer un bénéfice concret. Nous n’acceptons pas le statu quo actuel où, pour un peu de passion, nous sommes sommé·es d’encaisser en silence.

Pour en revenir au cas Naughty Dog : bien sûr, une personne isolée qui « spoile » tout un jeu n’aura en fin de compte que peu d’impact sur le studio ou ses dirigeants, et l’intérêt d’une telle action est douteux au mieux. Mais s’il n’y avait pas cette culture – ou même cette mystique – du secret absolu, l’acte de faire fuiter ces cinématiques aurait présenté nettement moins d’attrait. Après tout, le Conseil d’État du XVIIIe siècle n’avait-il pas participé à l’enthousiasme autour de l’Encyclopédie en interdisant sa publication ?

Alors, avant d’aller condamner un acte finalement assez bénin d’une personne qui n’était semble-t-il pas employée par le studio, demandons-nous pourquoi iel lui serait apparu que ledit acte pourrait « faire du mal » à l’entreprise.

À toutes celles et ceux qui se sentent poussé·es contre le mur, sans issue : nous existons pour cette raison. Contactez-nous ou d’autres organisations syndicales, selon où vous travaillez en France ou dans le monde. Organisons-nous de manière collective pour nous défendre, éviter le désespoir individuel et changer l’industrie !

Réponse des travailleureuses de DONTNOD Entertainment au communiqué du studio sur l’épidémie de COVID-19

Le 19 mars 2020, le studio Dontnod a publié un communiqué dans lequel il se félicite de sa gestion de la crise du COVID-19. De nombreux·se·s salarié·e·s ont remonté un certain malaise à la lecture de ce communiqué, car il ne correspond pas aux faits tels qu’iels les ont vécus.

Les salarié·e·s aimeraient apporter quelques précisions :

  • Les représentant·e·s du personnel du CSE ont contacté la direction le 3 mars, demandant la mise en place de solutions pour le télétravail, au vu du développement rapide de l’épidémie.
  • À l’initiative du CSE, deux réunions successives ont ensuite eu lieu les 6 et 9 mars au cours desquelles cette demande a été par deux fois refusée.
    • Quand le CSE a demandé l’ouverture du télétravail à tous, la direction a répondu que cela était « impossible pour une partie des employé·e·s » (équipes QA et IT notamment).
    • Quand le CSE a demandé d’enclencher a minima l’ouverture du télétravail à celleux qui le pouvaient, la direction a répondu qu’il s’agirait d’une « injustice » envers celleux qui n’y avaient pas accès. Le CSE a tenté d’expliquer que dans le cadre d’une épidémie, cela permettrait de réduire les contacts entre salarié·e·s dans l’intérêt de tous·tes, mais la direction a refusé de le voir ainsi.
    • La direction a également évoqué plusieurs fois une baisse de la productivité qu’elle n’était pas prête à assumer, sans toutefois fournir de documents permettant d’étayer cette affirmation. Il est important de noter que la plupart des directeurs métier, interrogés sur la question, ont également émis des doutes sur la capacité des équipes à rester productives en télétravail.
    • La direction a également avancé qu’elle n’avait aucune obligation légale d’accepter l’ouverture du télétravail car aucune disposition réglementaire n’allait pour le moment dans ce sens-là.
  • Le 13 mars, suite à la première allocution télévisée d’Emmanuel Macron, la direction de Dontnod a finalement encouragé le télétravail dans un mail adressé aux salarié·e·s.
  • Le 16 mars, suite à la seconde allocution télévisée, Dontnod a rendu le télétravail obligatoire pour tous·tes les salarié·e·s, en faisant une exception pour les pôles QA et administration système, chargés d’assurer la transition.
    • Ce sont ces mêmes équipes que la direction prétendait défendre en n’autorisant pas le télétravail à grande échelle, qui se sont vues obligées, par conscience professionnelle, de se rendre sur leur lieu de travail pendant plusieurs jours encore afin d’assurer la continuité du service et la mise en place du télétravail pour le reste des salarié·e·s.
    • Il nous paraît important de souligner que ces équipes se trouvent généralement tout en bas de la grille salariale des professions du jeu vidéo et sont également les moins reconnues dans la chaîne de production des jeux. Pourtant, ce sont celles qui ont été, in fine, les plus exposées et qui ont permis d’assurer le passage en télétravail du reste des équipes.
  • Avant le 13 mars, les mesures prises par la direction se résumaient à celles rendues obligatoires par le gouvernement (mise à disposition de gel hydroalcoolique par étage, e-mail sur les gestes barrière, quarantaine pour les salarié·e·s revenant de zones à risque), ainsi que l’annulation ou le report des tournages de motion-capture à l’étranger

Tout cela vient largement nuancer le communiqué qui affirme que la protection des salarié·e·s a été organisée à partir de janvier.

De plus, il apparaît évident aujourd’hui que le télétravail n’était pas « impossible pour une partie des employés » mais plutôt que la direction ne souhaitait pas mobiliser les ressources nécessaires à cet aménagement pourtant essentiel à la protection des équipes.

Plusieurs de nos collègues présentent des symptômes d’infection au COVID-19. En prenant en compte la période d’incubation, il est vraisemblable que celleux ayant été effectivement contaminé·e·s l’ont été avant la mise en place du confinement et du télétravail.

La direction de Dontnod a tout d’abord réagi en prévenant exclusivement les personnes travaillant dans le même open-space que les personnes potentiellement contaminées, sachant que nous avons une cafétéria en commun, des ascenseurs et que nos réunions rassemblent des personnes d’étages différents. Finalement, la direction a envoyé un e-mail le 24 mars informant les salariés que « certaines personnes présentent des symptômes du COVID-19 » et qu’elles auraient pu l’attraper « au travail ou ailleurs ».

Pour toutes ces raisons nous accueillons avec le plus grand scepticisme la communication de Dontnod affirmant que la première priorité de l’entreprise est la santé de ses salarié·e·s. Nous comprenons parfaitement les difficultés qui peuvent se présenter dans la gestion d’une crise d’une telle ampleur, cependant cela ne signifie pas que nous devons accepter de telles distorsions de la vérité.

Alors que nos représentant·e·s du personnel se préoccupaient de notre santé, la direction de Dontnod refusait à plusieurs reprises la mise en place des mesures de prévention, notamment au nom de la productivité.

Nous affirmons par ailleurs tout notre soutien et notre solidarité avec tous les travailleurs et travailleuses, obligé·e·s de se rendre au travail ou mis en danger par des patrons considérant que le profit est plus important que leur santé et celle de leurs entourages. Nous nous mobiliserons physiquement dès la sortie de crise pour défendre nos droits, les dispositions de notre Code du Travail et notre service public.

Addendum :

Suite à la parution du communiqué, des collègues nous ont fait part de leur réserves sur plusieurs points, nous tenions donc à ajouter quelques précisions :

  • Il a été omis dans le communiqué initial de préciser que les chefs d’équipes de la Q.A. ont insisté sur le côté facultatif de la présence de leurs équipes et sur leur droit à rester chez eux : dans les faits, aucun Q.A. n’est allé travailler dans les locaux depuis le début du confinement.
  • Nous rappelons également que ce communiqué a été publié tardivement : deux semaines après la communication de l’équipe marketing de Dontnod auquel il répondait. Entre la parution du communiqué de Dontnod et celui des salariés nous avons noté, avec soulagement, que la direction a respecté son obligation de protection des salariés et a mis en œuvre les moyens nécessaires pour que les équipes puissent télétravailler dans de bonnes conditions.

Nous restons solidaires et disponibles pour nos collègues — syndiqués ou non — qui auraient des remarques, des questions ou des soucis : vous pouvez nous contacter à .