GG25, Grève générale du jeu vidéo : quelles revendications ?

Le STJV a appelé à une grève générale du jeu vidéo en France le 13 février 2025. Après un premier article pour expliquer pourquoi nous appelons à la grève, voici un article pour apporter des précisions et des arguments pour chacune de nos revendications.

Revendication 1 : sauvegarde des emplois et responsabilisation des patron‧nes

Le maintien des emplois, l’annulation des licenciements et la responsabilisation des décisionnaires qui doivent se sacrifier en priorité quand leur entreprise est en difficulté.

Les licenciements n’ont aucune légitimité

Nous savons qu’il n’est pas possible d’éviter 100% des licenciements actuels, nous affirmons cependant qu’ils sont tous illégitimes : soit parce qu’ils auraient pu être évités, soit parce qu’ils ne sont tout simplement pas nécessaires.

Tous les licenciements peuvent être évités par la planification et la bonne gestion en amont. Les licenciements ne sont souvent qu’un outil par défaut pour patron fainéant qui ne souhaite pas réellement gérer son entreprise. Nous ne sommes pas des variables d’ajustement comptable.

Mais aussi, l’inévitabilité des licenciements doit encore être prouvée par les entreprises. Elles restent pourtant opaques sur leurs finances, leurs partenariats… C’est précisément ce manque de transparence qui, encore aujourd’hui, ne permet pas de justifier de manière chiffrée la grande majorité des licenciements.

Dans certaines entreprises, on fait face à des directions qui ont conclu de manière erronée qu’il fallait licencier, juste parce qu’elles ne savent même pas calculer leurs projections financières.

De nombreux·ses patron·nes pourraient se battre contre les éditeurs et groupes auxquels iels appartiennent pour empêcher les licenciements dans leur entreprise, mais iels préfèrent licencier des travailleur·ses et, ce faisant, détruire leur vie plutôt que de risquer un désaccord avec leurs ami‧es patron·nes.

Pourquoi les licenciements ne concernent jamais les patron·nes ?

Chaque fois que les directions parlent de licenciements, il n’est « bizarrement » jamais question de licencier dans leurs rangs, de réduire leur salaire, leurs primes, leurs avantages… On a déjà vu des patron·nes qui gagnent un demi-million d’euros par an expliquer qu’on doit être heureux de ne pas être payé au SMIC et qu’il faut licencier des travailleur·ses précaires. S’il est vraiment si nécessaire de se serrer la ceinture, que les patron·nes se sacrifient enfin !

D’autant plus que les éditeurs et groupes ont de l’argent, les patron‧nes ont aussi du patrimoine (voitures de luxe, bateaux, manoirs, hôtels particuliers, résidences secondaires…). Pourquoi des travailleur‧ses précaires devraient perdre leur emploi pour permettre à ces patron‧nes et actionnaires de pouvoir maintenir des trains de vie indécents ? Qu’iels mettent cet argent dans la sauvegarde des emplois. Qu’iels assument et ne se débarrassent pas des problèmes au dépend des travailleurs et travailleuses. Qu’iels soient, enfin, responsables.

Le fatalisme ne profite qu’aux patron·nes

Ce n’est pas normal que les travailleur·ses paient pour les erreurs des personnes ayant pris des décisions stupides sans même demander l’avis des concernés. Sans tomber dans l’optimisme béat, être fataliste à propos des licenciements ne profite qu’aux entreprises, qui peuvent alors augmenter leurs profits sur notre dos sans rencontrer d’opposition. Moins on se défend contre les licenciements, plus les entreprises licencieront sans justification.

Revendication 2 : transparence sur les finances des entreprises et partage des bénéfices

La transparence des entreprises sur leurs finances et santé économique, pour que les travailleur·ses puissent se projeter sur leur futur, et le partage des bénéfices avec elleux.

Nous devons savoir ce qu’il est arrivé à notre plus-value

Le flou artistique entretenu sur les finances et la santé économique des entreprises par les patron·nes empêche les travailleur·ses d’envisager l’avenir. Sans connaître l’état des finances d’un projet, comment peut-on se sécuriser économiquement, ainsi que se protéger nous et notre famille ?

Les travailleur·ses doivent avoir voix au chapitre pour vérifier que la gestion économique de l’entreprise est saine, qu’il n’y a pas de détournements de fonds, et qu’il sera effectivement possible de finir les productions en cours et de conserver leur emploi après celles-ci.

Les partages des bénéfices, c’est la base

Aujourd’hui, les résultats financiers des entreprises ont un impact uniquement négatif sur les travailleur‧ses. Quand une entreprise perd de l’argent, les travailleur·ses, loin d’être augmenté·es, peuvent être licencié·es ; à l’inverse, quand une entreprise voit ses bénéfices augmenter, les rémunérations restent inchangées. Là où les pertes sont socialisées, les bénéfices sont privatisés.

C’est pourtant bien grâce aux travailleur·ses de l’industrie et leur expertise que des jeux sortent aujourd’hui. Il est donc légitime de demander une redistribution des bons résultats à tous les maillons de la chaîne, et pas uniquement à celleux qui ont les moyens de se remplir les poches sur le dos des autres.

Revendication 3 : réorganisation des productions et réduction du temps de travail

La prise en compte de la santé au travail et de la vie personnelle, par la réorganisation du travail et la réduction du temps de travail.

Le jeu vidéo est connu pour ses conditions de travail déplorables

Ces dernières années, les témoignages affligeants sur différentes entreprises ainsi que sur les écoles formant aux métiers du jeu vidéo se sont multipliés, notamment grâce aux enquêtes journalistiques sur le sujet. On connaît la réalité peu reluisante de l’industrie, que les chiffres confirment : l’industrie du jeu vidéo est attractive et crée de nombreuses vocations, et pourtant, personne n’y reste bien longtemps à cause des conditions de travail déplorables et des discriminations nombreuses.

On ne demande qu’à être fier·es de nos jeux, donnez-nous-en les moyens

Nous ne travaillons pas dans le jeu vidéo pour les conditions de travail que l’industrie offre. Si le « métier passion » est une réalité et que les travailleur·ses sont enthousiastes, on ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche. Pour s’investir, il faut pouvoir rester en bonne santé, entretenir une vie sociale, avoir le choix de fonder une famille… Sans devoir tout sacrifier sur l’autel du travail.

Mettons un terme à la désorganisation généralisée

Une production chaotique fait perdre beaucoup de temps, provoque une surcharge de travail et envenime les relations entre collègues… Autant de facteurs qui ont un impact négatif fort sur la motivation et la santé. Qui fait quoi, et pourquoi ? Une production efficace implique de répartir les tâches de manière claire et transparente. Ce sera à l’avantage des salarié·es, mais ça permettra également d’obtenir un jeu plus abouti.

Atteignons un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle

Par la réduction du temps de travail, faisons de la place pour la vie en dehors de l’entreprise. Libérons du temps pour nous, pour nos proches et, pourquoi pas, pour nos projets de jeu personnels.

Revendication 4 : participation directe des travailleur‧ses aux décisions

La participation directe des travailleur·ses aux prises de décision dans leur entreprise pour éviter les erreurs de leurs directions et contrôler le bon usage des financements, privés et public.

Notre production, nos choix

Les travailleur·ses sont au cœur de la machine, au plus près de la réalité de ce qu’est leur jeu. Iels sont non seulement compétent·es mais aussi à même de prendre les décisions qui concernent ce qu’iels produisent.

Les travailleur‧ses détectent toujours les problèmes à l’avance, et c’est normal puisque ce sont elleux qui produisent les jeux. Iels sont les premier‧ères à avoir les solutions aux problèmes. Iels ne sont pas écouté‧es parce que les patron·nes préfèrent défendre leur pouvoir sur les travailleur‧ses avant de les respecter. Il est plus important pour elleux de protéger en priorité leurs privilèges, même quand ça met leur entreprise et toutes les personnes qui y travaillent en danger.

Alors qu’en réalité, permettre aux programmeur‧euses de prendre les décisions sur la programmation, aux level designer de prendre les décisions sur le level design, aux animateur·ices de prendre les décisions sur l’animation, etc… Ce n’est pas une idée de révolutionnaire sanguinaire, c’est une conclusion logique qui s’impose lorsque nous savons que nous sommes les seul‧es à pouvoir faire ce que nous savons faire.

L’industrie, c’est nous

Nous sommes nombreux·ses dans l’industrie du jeu vidéo à avoir des envies créatives fortes et l’espoir de pouvoir réellement laisser une trace dans les jeux que nous fabriquons. Mais aujourd’hui, le discours ambiant laisse croire que la seule voie possible pour acquérir une liberté créative serait de créer une entreprise et d’exploiter d’autres travailleur·ses pour exprimer sa vision sans leur laisser la liberté de s’exprimer sur les productions. Ce serait faire fausse route et se laisser endoctriner par une classe bourgeoise imposant son idéologie capitaliste.

La création doit être accessible à tout le monde, pas uniquement à une minorité ayant suffisamment de contacts et de moyens financiers pour imposer sa vision créative comme la seule et unique accessible. Si nous voulons des œuvres variées, narrant différents vécus et différentes expériences, nous devons donner la possibilité aux créatif·ves de tous horizons de créer leur jeu.

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