Tous les ans, le mois de Juin est le mois des fiertés, un mois de célébration, de lutte et de souvenir pour les personnes LGBT+. Il est rendu nécessaire pour s’opposer à la stigmatisation, aux discriminations et aux violences que nous subissons, pour lutter pour notre liberté et nos conditions de vie.
Car, si les droits des personnes LGBT+ semblent progresser au fur et à mesure des années, il est important de rappeler que ces améliorations sont encore, pour le moment, l’arbre qui cache la forêt de discriminations existantes. Elles ne sont pas équitablement réparties, politiquement, économiquement et socialement : les législations et circonstances peuvent varier énormément, et les classes supérieures ont des facilités d’accès aux soins et à des environnements « safe ». La violence à notre encontre est bien réelle, et elle tue. Chaque année des membres de nos diverses communautés meurent, assassiné·es directement, poussées au suicide ou laissé·es à mourir dans la misère.
Ces oppressions ne s’arrêtent pas à des échanges interpersonnels : elles sont structurelles. Et le travail, qui occupe une place écrasante dans nos vies, est un facteur majeur de ces oppressions. Les entreprises, et le patronat qui les dirige, sont des institutions directement responsables. Par malveillance, négligence ou désintérêt, les dirigeant·es d’entreprises ferment les yeux sur le harcèlement que nous subissons, font obstacle à nos transitions de genre et à l’utilisation de notre identité d’usage, laissent les écarts de salaire se creuser et notre précarisation s’étendre…
En posant des obstacles et en luttant contre les représentant·es du personnel et les syndicats, les directions d’entreprise sont des causes directes de la dégradation de nos conditions de travail et de vie. Elles participent à ruiner notre existence, nous exploitent pour notre force de travail, tout en se servant de nous pour faire leur publicité.
Les vraies luttes LGBT+, nos luttes, n’ont pas pour but de cajoler les personnes LGBT-phobes pour les pousser à nous « tolérer ». Elles cherchent à nous permettre de vivre normalement, dans des conditions matérielles dignes. Elles sont intrinsèquement liées aux luttes des autres groupes marginalisées et aux luttes syndicales. Cette année encore, comme toutes les autres, nous nous battrons et nous organiserons collectivement pour venir en aide à nos camarades et précipiter la fin du patriarcat et du patronat.
Dans le jeu vidéo
Nous sommes toujours nombreux·ses à dénoncer ce que nous subissons dans les entreprises de jeux vidéo. Que cela soit dans de grandes entreprises comme Activision-Blizzard, Ubisoft, Quantic Dream, où des affaires très médiatisées ont pu permettre de rendre visibles de graves problèmes, ou dans de plus petites qui parviennent parfois à échapper à cette médiatisation mais ne sont pas pour autant moins discriminantes. Sans oublier les écoles qui, bien avant de rentrer en entreprise, nous font déjà souffrir.
Toute l’année, mais en particulier lors du mois de Juin, les entreprises vantent leur prétendue inclusivité : goodies arc-en-ciel comme chez Ubisoft, grandes conférences internes pour présenter des demi-mesurettes à leurs employé·es, communication externe sur leurs employé·es LGBT+, chartes « inclusivité et diversité » non-contraignantes et donc de facto inutiles…
Nous leur servons d’étendard, pratique à agiter quand c’est utile pour leur recrutement ou instrumentalisé pour leurs campagnes marketing, tout en subissant la face cachée de cette « inclusivité ». Car dans les faits les personnes LGBT+ sont discriminées à tous les niveaux : embauchées plus difficilement, sur-représentées dans les contrats les plus précaires, ayant généralement des salaires inférieurs à leurs collègues, mises à la porte de manière disproportionnée.
En plus de subir les LGBT-phobies au quotidien en entreprise, nous sommes aussi réduit·es à devoir regarder nos vécus exploités dans les jeux sur lesquels nous travaillons sans que nous soyons consulté·es ou que nous ayons la possibilité de nous exprimer à ce sujet. Tout au plus notre avis est ignoré par une hiérarchie qui croit mieux nous connaître que nous-mêmes. Des personnages et relations LGBT+ écrites par des hommes cisgenres et hétérosexuels, qui ne nous représentent pas mais flattent leur imaginaire et nous fétichisent, deviennent des arguments de vente pour des jeux et des entreprises, mais restent des rappels des oppressions subies pour nous travailleur·ses LGBT+.
Nos revendications
Pour améliorer les conditions de travail et de vie des personnes LGBT+, et avec celles de tou‧tes les travailleur‧ses, nous demandons, entre autres :
- la fin des recours aux CDD pour lutter contre la précarisation des personnes marginalisées
- l’imposition de grilles salariales publiques dans les entreprises, pour mettre fin aux discriminations salariales qui touchent de manière disproportionnée les minorités
- le remboursement à 100 % de toute consultation ou acte médical par les mutuelles d’entreprise, y compris les parcours de transition pour les personnes transgenres
- l’utilisation des prénoms et noms d’usage au travail sur simple demande , sans poser de questions ni demander de justificatifs
- l’imposition de congés parentaux égaux et obligatoires, y compris en cas d’adoption, pour tous les couples
- l’intégration des représentant‧es du personnel et des syndicats dans les processus d’alerte et de gestion des discriminations et violences en entreprise, pour pouvoir y faire entendre la voix des personnes concerné‧es
- l’intégration de tou‧tes les travailleur‧ses dans les processus décisionnels et créatifs, et leur transparence totale, pour que chaque personne concernée puisse être consultée et agir sur les choix de l’entreprise
Nous savons d’expérience que de tels changements ne seront pas implémentés de bonne grâce par nos patron·nes sur simple demande : nous devons nous organiser ensemble, comme au STJV, pour construire le rapport de force nécessaire pour les imposer.