La journée internationale de lutte pour les droits des femmes, ayant lieu chaque année le 8 Mars, se tiendra Lundi prochain. Née de la lutte socialiste féministe du début du XXe siècle, cette journée a toujours eu pour but de réclamer pour les femmes des droits égaux à ceux des hommes, et la fin des discriminations genrées au travail et dans la société de manière générale. Le 8 Mars est une référence directe à la grève des femmes du 8 Mars 1917 en Russie, événement déclencheur de la révolution russe (rien que ça). Depuis plusieurs années, le 8 Mars est redevenu une journée de grèves massives partout dans le monde.
Le contexte autour de la mobilisation de cette année est encore plus tendu que l’année dernière : recul de la démocratie, violences policières, montée de l’extrême-droite jusque dans les rangs du gouvernement et de la majorité, mais aussi bien sûr la situation autour de l’épidémie de Covid-19 qui entraîne appauvrissement, précarisation et hausse des violences sexistes et sexuelles. Les femmes et minorités de genres subissent des attaques en France et partout dans le monde. Ici notamment par l’islamophobie d’une grande partie des media et des politiques, suivis par une partie de la population, et via des projets de loi tel que celui relatif à la bioéthique, qui exclut toujours les femmes célibataires, lesbiennes et trans de tout accès à la PMA . À l’international avec, entre autres, la montée de la transphobie au Royaume-Uni et l’interdiction de l’avortement en Pologne.
Mais il ne faut pas pour autant oublier les victoires obtenues durant l’année et qui montrent que la lutte féministe paie, et qu’elle doit continuer toujours, partout, et ne pas faiblir. On peut lister la légalisation de l’IVG en Argentine et sa décriminalisation en Thaïlande, la gratuité des protections périodiques en Écosse, l’égalité salariale dans le football Brésilien, l’enlèvement de la mention du genre sur les cartes d’identité aux Pays-Bas, et biens d’autres encore qui prendraient trop de place ici.
L’égalité entre toutes et tous concerne tout le monde. Que l’on soit concerné‧es directement par les discriminations ou non, celles-ci ont un impact sur nos vies et lutter contre doit faire partie de notre projet de société commun. Nous devons constamment nous rappeler que nos droits ne sont jamais acquis, et qu’il est plus que jamais important de se battre, toutes et tous ensemble, pour les défendre et en acquérir de nouveaux.
Au travail on constate que les égalités théoriquement acquises et inscrites dans la loi sont en pratique très limitées, non appliquées ou simplement inexistantes.
Les violences et discriminations sexistes sont très présentes dans l’industrie du jeu vidéo. Très majoritairement masculine, elle combine de manière exacerbée capitalisme, l’exploitation des travailleurs et travailleuses par les personnes possédant les moyens de production, et patriarcat, la domination des hommes sur les personnes d’autres genres. Cette combinaison amène à des situations dans lesquelles les personnes marginalisées subissent des violences sexistes, homophobes, transphobes, etc. et ne disent rien car leur auteur a un pouvoir sur elleux au travail, sur leur situation économique et sur leur carrière. Bien souvent, ce sont même les victimes qui subissent les foudres de leur entreprise quand elles parlent en étant poussées à la démission, « mises au placard », suspendues, etc.
L’année dernière notre communiqué parlait déjà des témoignages publics de personnes ayant été victimes de prédateurs sexuels qui utilisaient leur statut, leur influence et leurs postes dans l’industrie. À l’époque ces témoignages venaient principalement d’Amérique du Nord, mais nous évoquions le fait que de tels prédateurs agissaient en toute impunité, protégés par leurs entreprises, dans l’industrie française. Depuis des témoignages publics sur ces prédateurs ont émergé massivement en France , avec de grosses révélations sur le système qui les protège, mettant en cause les directions, les départements RH et les managers de nombreux studios français. Si le nom du groupe Ubisoft est celui qui est le plus revenu dans ces témoignages, il faut bien rappeler que ces problèmes concernent l’ensemble de l’industrie, des plus gros studios AAA aux petits indés.
Un fait notable et parlant, qu’il faut rappeler : le pourcentage de femmes dans l’industrie est plus faible que dans les écoles et formations liées au jeu vidéo, et leurs carrières sont en moyenne bien plus courtes que celles des hommes. Les femmes et autres minorités de genre subissent de la discrimination à l’embauche et dans les promotions, sont confronté·es au harcèlement dès leurs premiers stages et souvent même dans leurs écoles, et sont en moyenne moins payé‧es que leurs collègues masculins.
De plus, les pratiques comme le crunch et l’inadéquation de l’industrie avec la vie familiale, combinées à la division patriarcale du travail et au nombre majoritaire d’hommes dans l’industrie, font reposer la production vidéoludique sur le travail des femmes. En effet tout le temps accaparé par le travail en période de crunch est volé à la vie familiale, ce qui entraîne une surcharge de travail domestique pour les femmes, à qui il incombe malheureusement déjà de manière disproportionnée dans l’organisation sociale actuelle.
C’est pour cela que la lutte syndicale est aussi une lutte féministe ! En tant qu’organisation créée pour défendre les travailleureuses dans leurs rapports avec les entreprises qui les emploient et améliorer leurs conditions matérielles d’existence, les syndicats sont très bien placés pour se battre pour l’égalité salariale et contre les discriminations, le harcèlement, et les conditions de travail délétères qui accablent les minorités de genre.
Les syndicats sont uniques dans leurs pouvoirs, car ils peuvent communiquer directement dans les entreprises, représenter les travailleurs et travailleuses ses en cas de conflit avec leur employeur (aussi bien au tribunal que dans un entretien disciplinaire), négocier avec ou faire pression sur les directions d’entreprises, etc. En bref, en organisant les travailleurs et travailleuses et en renversant le rapport de force dans le travail, les syndicats sont un outil puissant pour mener la lutte féministe et s’assurer que pas une seule personne ne reste isolée.
Nous appelons donc à la grève dans le jeu vidéo le Lundi 8 Mars, pour lutter contre les discriminations et inégalités entre genres dans notre industrie. Nous appelons pour toute la semaine du 8 Mars les femmes et minorités de genre à faire une grève du travail reproductif (tâches ménagères, garde des enfants, travail émotionnel, …), et les hommes à l’effectuer dans son intégralité durant cette semaine, et nous invitons toutes et tous à aller manifester le 8 Mars.
Nous rappelons que cet appel couvre le champ d’action du STJV dans le secteur privé, et concerne donc toute personne employée par une société d’édition, de distribution, de service et/ou de création de jeu vidéo ou matériel pour le jeu vidéo quel que soit son poste ou son statut et quel que soit le type de production de sa société (jeux consoles, PC, mobile, serious games, expériences VR/AR, moteurs de jeu, services marketing, consoles de jeu, streaming, etc.), ainsi que tout·es les enseignant·es travaillant dans des écoles privées dans des cursus en lien avec la production vidéoludique. Pour toutes ces personnes, et puisqu’il s’agit d’un appel national à la grève, aucune démarche n’est nécessaire pour se mettre en grève : il suffit de ne pas venir travailler les jours où vous souhaitez faire grève.