Collègues, camarades,
Avec les dernières annonces du gouvernement s’ouvre une période d’incertitudes pour beaucoup d’entre nous. En l’absence de prise de position forte, le cadre légal n’impose désormais plus beaucoup de contraintes. Cela appelle forcément à la réflexion et il serait imprudent de s’engouffrer dans la brèche ainsi créée sans prendre les précautions nécessaires.
Le STJV a été mis au courant de plusieurs situations où des employeurs ont décidé unilatéralement de faire revenir les travailleur·ses dans les bureaux, certains depuis plusieurs semaines, d’autres retours étant prévus à partir de la semaine prochaine, sans respecter le consentement des employé·es. Ailleurs, le retour n’a pas été forcé mais des pressions sont mises sur les salarié·es pour les pousser à revenir travailler dans les locaux. Cela nous semble non seulement dangereux, mais aussi irresponsable. Ainsi que nous le disions déjà au début de la crise, il s’agit non seulement de la protection des individus mais aussi d’une responsabilité collective qu’il ne faudrait pas prendre à la légère. Plus que jamais, les entreprises ne devraient pas se contenter du minimum légal.
En effet, bien que le virus semble moins présent, le risque existe toujours. Il est d’autant plus grand que chacun d’entre nous est mobile et s’expose à des contacts, comme le montraient ces simulations du Washington Post à la mi-mars. Et, bien que l’état des connaissances scientifiques ne permette toujours pas d’avoir des certitudes absolues, il semble clair que certains facteurs contribuent de manière prépondérante aux risques encourus, non seulement par les travailleur·ses, mais aussi par nos entourages et les personnes que nous pouvons croiser dans nos quotidiens : la proximité entre les personnes, les volumes restreints (menant à une contamination par aérosols), et une durée de « contact » étendue. Ce ne sont pas uniquement les travailleur·ses exposé·es inutilement qui sont mis·es en danger, mais la société dans son ensemble.
Pour la majeure partie d’entre nous, nous utilisons les transports en commun pour rejoindre nos lieux de travail : ceux-ci présentent au moins deux des facteurs de risque suscités (proximité et volume réduit). Quant aux lieux de travail, même s’ils sont spacieux (et ce « luxe » est déjà loin d’être la norme !), la durée de présence des travailleur·ses sur place augmente fortement les risques de contamination, et ce d’autant plus avec les climatisations qui brassent l’air et donc augmentent l’effet de la promiscuité au travail, ainsi que le confirment des infectiologues.
Mais parlons justement de nos conditions de travail. La question centrale de ce retour « à la normale » que certain·es semblent appeler de leurs vœux est économique. Nous voyons les mots « efficacité », « rendement », « productivité » être employés, mais évidemment sans qu’aucun élément concret ne soit avancé pour les justifier. Disons les choses clairement : s’il s’agit d’un calcul financier, qu’il soit au moins assumé et présenté honnêtement, plutôt que de se cacher derrière la seule excuse éculée (et fausse) du « suivi de recommandations gouvernementales ». Les entreprises sont capables d’agir de manière autonome et nous le montrent bien toutes les fois où elles choisissent d’enfreindre le code du travail et les conventions collectives dont elles dépendent : elles peuvent donc bien prendre leur responsabilité sans que le gouvernement ne les tienne en laisse.
Il n’est pas du tout garanti que ce retour forcé (ou « fortement incité ») soit justifié économiquement et, quand bien même il le serait, il ne serait pour autant ni justifié humainement, ni responsable pour la société et la santé publique. Nos métiers sont plutôt faciles à exercer en télétravail, et la majorité des retours que nous avons obtenus nous laissent penser que si la mise en place a pu être délicate (ce qui s’entend), aujourd’hui les infrastructures nécessaires sont là.
Si ces décisions ne sont pas motivées par des raisons financières pourquoi donc ce manque de responsabilité ? Pourquoi cet empressement à vouloir faire revenir des travailleur·ses dans des bureaux où il ne serait pas étrange de se sentir mal à l’aise, ce qui pourrait même réduire « l’efficacité » des équipes ? Si la seule raison est une volonté de contrôle, de réaffirmer le pouvoir hiérarchique de nos patrons, n’est-il pas temps de grandir et de faire confiance aux travailleur·ses qui, dans leur immense majorité, ont produit tous les efforts nécessaires pour faire avancer les productions, même dans des conditions difficiles ?
Nous demandons aux employeur·ses de prendre leurs responsabilités envers la société qui vont avec le pouvoir qu’ils et elles ont et n’agissent pas en méprisant la santé et il ne devrait pas être nécessaire de le rappeler : de la vie, de leurs employé·es, de leurs proches et plus généralement de toute la société. Nous demandons à ce qu’aucun retour en entreprise ne soit forcé et que les travailleur·ses puissent choisir leurs modalités de travail en fonction de leurs conditions personnelles.
Le STJV encourage tou·tes nos camarades et collègues à la prudence, non seulement pour leur santé, mais aussi pour celle de tou·tes nos semblables. Nous vous encourageons à vous rapprocher de vos représentant·es du personnel et à demander à vos supérieur·es hiérarchiques de ne pas appliquer ces retours en entreprise. Nous sommes joignables dans la limite de nos moyens pour tout renseignement et conseil.