Ce Dimanche sera le 8 Mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Née de la lutte socialiste féministe du début du XXe siècle, cette journée a toujours eu pour but de réclamer pour les femmes des droits égaux à ceux des hommes, et la fin des discriminations genrées au travail et dans la société de manière générale. La date du 8 Mars a été choisie définitivement suite à la grève des femmes du 8 Mars 1917 en Russie, qui a déclenché la révolution russe (rien que ça). Ces dernières années, le 8 mars est redevenu une journée de grèves massives partout dans le monde.
Le 8 mars 2020 arrive dans un contexte politique tendu. En France avec l’imposition violente de lois grâce au 49.3, violences policières, médiatisation de « féministes » transphobes, montée des prises de paroles autour des féminicides, etc. et à l’international avec notamment des arrêtés homophobes en Pologne, la complication de l’accès à l’avortement aux États-Unis, etc.
Dans le monde du travail aussi, alors que certaines égalités sont théoriquement acquises et inscrites dans la loi, on constate que celle-ci sont très limitées, non appliquées ou simplement inexistantes en pratique. Nous devons constamment nous rappeller que nos droits ne sont jamais acquis, et qu’il est plus que jamais important de se battre pour eux.
L’égalité entre toutes et tous concerne tout le monde. Que l’on soit concerné.e.s directement par les discriminations ou non, celles-ci ont un impact sur nos vies et lutter contre doit faire partie de notre projet de société commun. Il est important de rappeler que dans le contexte du projet de réforme des retraites contre lequel le STJV lutte, les femmes seraient particulièrement perdantes, cette réforme exacerbant les inégalités économiques de genre et remettant en cause leur autonomie financière.
L’industrie du jeu vidéo n’échappe pas aux violences et discriminations sexistes. Majoritairement masculine (plus de 80 % d’hommes), elle combine capitalisme, l’exploitation des travailleureuses par les personnes possédant les moyens de production, et patriarcat, la domination des hommes sur les personnes d’autres genres. Cette combinaison amène à des situations dans lesquelles les personnes marginalisées subissent des violences sexistes, homophobes, transphobes, etc. et ne disent rien car leur auteur a un pouvoir sur elleux au travail, pouvoir sur leurs situations économiques et leurs carrières.
Cela a été révélé (une fois de plus…) au grand jour récemment, avec les témoignages publics de personnes ayant été victimes, dès leur début de carrière, de prédateurs sexuels qui utilisaient leur statut, leur influence et leurs postes dans l’industrie pour abuser d’elleux. Il est également connu que des prédateurs et harceleurs dans des studios français ne sont pas sanctionnés, principalement du fait de leur rang hiérarchique. Bien souvent, ce sont même les victimes qui subissent les foudres de leur entreprise, en étant poussées à la démission, « mises au placard », suspendues, etc.
Faits notables et très parlants : le pourcentage de femmes dans l’industrie est plus faible que le nombre de femmes faisant des études liées au jeu vidéo, et les carrières des femmes dans cette industrie sont en moyenne bien plus courtes que celles des hommes. Les femmes et autres minorités de genre subissent de la discrimination à l’embauche et dans les promotions, sont confronté·e·s au harcèlement dès leurs premiers stages et souvent même dans leurs écoles. Les inégalités salariales sont aussi très réelles : dans les studios où le STJV a pu compiler des données sur les salaires, les hommes étaient systématiquement mieux payés en moyenne que les autres travailleureuses.
Enfin, il ne faut pas oublier que, dans une société genrée comme la nôtre, le travail en entreprise repose sur le travail domestique. Dans le jeu vidéo, les pratiques comme le crunch et l’inadéquation de l’industrie avec la vie familiale, combinées à la division patriarcale du travail et au nombre majoritaire d’hommes dans l’industrie, font reposer la production vidéoludique sur le travail des femmes. En effet tout le temps accaparé par le travail en période de crunch est volé à la vie familiale, ce qui entraîne une surcharge de travail domestique pour les femmes à qui il incombe déjà en très grande majorité.
Pour toutes ces raisons, la lutte féministe est aussi une lutte syndicale ! En tant qu’organisation créée pour défendre les travailleureuses dans leurs rapports avec les entreprises qui les emploient et améliorer leurs conditions matérielles d’existence, les syndicats sont très bien placés pour se battre pour l’égalité salariale et contre les discriminations, le harcèlement, et les conditions de travail délétères qui accablent les minorités de genre.
Les syndicats sont uniques dans leurs pouvoirs, car ils peuvent communiquer directement dans les entreprises, représenter les travailleureuses en cas de conflit avec leur employeur (aussi bien au tribunal que dans un entretien disciplinaire), négocier avec les directions d’entreprises, etc. En bref, en renversant le rapport de force dans le travail, les syndicats sont un outil puissant pour mener la lutte féministe et s’assurer que pas une seule personne ne reste isolée.
C’est pour toutes ces raisons que nous appelons ce Dimanche 8 mars à aller manifester, et que nous appelons pour toute la semaine du 9 mars les femmes et minorités de genre à faire une grève du travail reproductif (tâches ménagères, garde des enfants, travail émotionnel, …), et les hommes à l’effectuer dans son intégralité durant cette semaine.